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- Le Yokohama de l’ouverture sur le monde
Pendant plus de deux siècles, le Japon s’était refermé sur lui-même C’est
par Yokohama que va commencer l’ouverture du pays sur le monde. En 1853, le 14
juillet, des bateaux américains commandés par le commodore Perry se présentent
dans la baie. On remet aux représentants de l’Empereur une demande pressante
d’ouverture au commerce avec l’étranger. Un an plus tard, c’est chose faite.
L’ère Meiji, « Gouvernement des Lumières », va commencer. La
France, quant à elle, signe un traité de paix, d’amitié et de commerce
avec le Japon en 1858. Et Yokohama, jusqu’alors petit port de pêche, va devenir
rapidement une ville animée où se côtoient marchands japonais, chinois et
occidentaux. Chacun chez soi, chacun dans son quartier : notamment la
colline qui domine le port, le « Bluff », est réservée aux
Européens.
(Perry arrive dans la baie
de Yokohama pour y rencontrer les représentants de l’Empereur le 14 juillet
1853. Lithographie de Sarony, 1855).
Les rapports entre les différentes communautés sont un mélange de curiosité
pour les bizarreries de l’autre, d’intérêt et d’imitation, mais parfois aussi
d’irritation, de moquerie et d’hostilité. L’art traduit un enrichissement
mutuel. Les « japoneries » sont à la mode en Europe et influencent
les impressionnistes. Dans les années 1870/1890, le choc des cultures
transforme les estampes sur bois ukiyo-e en yokohama-e (e
signifie dessin, peinture en japonais). Ce sont les disciples d’Utagawa qui
répondent ainsi à une curiosité sympathique ou gentiment moqueuse mais parfois
aussi à une vive hostilité à l’égard des étrangers. Les deux estampes qui
suivent sont l’illustration de ce double sentiment :
(Un Français et une geisha, par Yoshitora, 1861. Ni béret basque, ni baguette de pain mais dans le regard une sensibilité et un empressement certain pour les jolies femmes. Large ouverture sur l’étrangère aussi bien sentimentale que vestimentaire. Un peu d’embonpoint semble déjà un trait marquant de l’identité nationale...)
(Face au sumo, l’étranger
se ridiculise…Cette estampe traduit bien la rancœur à l’égard des
« occupants »)
La modernisation rapide du Japon sous l’influence occidentale se traduit
dès 1872 par l’inauguration d’une première ligne de chemin de fer
Yokohama-Tokyo. Estampes et cartes postales d’époque témoignent de
l’événement :
(Le chemin de fer
Tokyo-Yokohama. Estampe sur bois)
(Vieille carte
postale : la gare de Yokohama)
L’activité portuaire
s’intensifie et de vastes entrepôts de briques rouges abritent les
marchandises, notamment la soie. Ces entrepôts existent encore aujourd’hui mais
ont été transformés en centre culturel.
(Les anciens entrepôts du
port de Yokohama. Photo Daniel Bas, 2004)
Les rues de la basse ville
témoignent de l’intense activité commerciale par leur grand nombre de commerces
et de magasins de toutes nationalités. C’est le cas de la rue
Benten-dori :
(Une rue commerçante dans
l’ancien Yokohama. Pléthore d’enseignes de toutes nationalités (d’Inde au
premier plan). L’électrification s’affiche.)
Dans un vaste et paisible
cimetière international vallonné, arboré et bien dessiné reposent les pionniers
de cette expansion spectaculaire. Il est intéressant de s’y promener et de
dénombrer les multiples nationalités représentées. Les anglo-saxons prédominent
mais les tombes françaises ne sont pas rares. On y trouve notre ancêtre,
l’arrière-grand-oncle Claude Nicolas Eymard. La sépulture photographiée
ci-dessous est celle de son fils Charles en compagnie de son épouse japonaise
Suge Sato. Plus bas, le petit-fils Edouard, père des cinq cousins vivant encore
à Yokohama, est passé du français à l’anglais. Gageons que la prochaine
génération optera résolument pour le japonais. Ainsi va la vie, si l’on peut
dire.
Tombe de Charles Eymard
(cousin germain de Dugrober), de sa femme japonaise Suge Sato et de leur
fils Edouard au Cimetière international de Yokohama. Photo Daniel
Bas, 2004)
A suivre…
Daniel Bas
7 décembre 2009.
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