JACQUELINE AU LYCEE (3)
Octobre 1944.
Nous sommes à peine libérés du joug allemand. Le moment est venu pour moi
d’entrer en sixième au lycée. Comme l’internat n’existe pas encore, mes parents
sont bien obligés de me placer en pension.
Ma petite mère me trouve une chambre dans le quartier chic, près de la gare.
Madame Aubert, ma logeuse, a placé pour moi un lit sur un palier d'escalier et, afin de me séparer des autres locataires et de respecter un peu mon intimité,
accroché un vague rideau grisâtre.
Pour faire notre travail le soir, les cinq pensionnaires travaillent toutes
dans la même pièce. Les leçons d’anglais, les capitales d’Europe, les
propriétés des triangles rectangles s’apprennent à voix haute dans une douce
cacophonie de jeunes filles sérieuses.
(La vie de Madame Aubert était un long fleuve tranquille, la mienne, un ruisseau gelé.)
« Madame ma Gargotière » a la langue bien pendante et le compliment facile. Elle trouve par exemple que j’ai « des yeux de veau ». Quant à ma camarade qui rêve de devenir hôtesse de l'air, notre mentor tente par tous les moyens de la décourager : « Mais, ma chère, pour être hôtesse de l’air, il faut être jolie… »
(C'est gentil, pourtant, un veau...)
En ce temps-là, je ne rentre chez mes parents qu'une fois par mois, car les
transports sont limités et les cars ne roulent presque pas, faute de carburant.
La guerre continue, l'armée réquisitionne l'essence pour les soldats.
Un dimanche sur deux Madame Aubert m'emmène à la messe de onze heures chez
les catholiques, la semaine d'après j’ai droit à une messe au temple, chez les
protestants. Le couple est adepte de la « bi-religion »,
donc je dois me plier aux exigences de
Madame.
L’hiver est rude. Je le passe en grelottant sur un palier non clos sans chauffage.
En février, une bronchite sévère vient à mon secours…Mes parents comprennent qu’il
est urgent de retirer leur fille des griffes de cette mégère.
Je quitte sans regret une famille au cœur de glace.
Jacqueline Paulus-Petit, le 1er Avril 2010
Un zéro en math , comme c'est étrange, on n'a jamais vu ça dans la famille où on a bien des bosses, mais pas celle-ci! Valérie
Rédigé par : valérie | 08/04/2010 à 20:02
Ton récit me fait de la peine et nourrit une culpabilité rétrospective, petite soeur. Tu as dû bien souffrir et je ne le réalise qu'aujourd'hui. Dans une prochaine vie, je ferai plus attention à toi.
Rédigé par : Chedozot | 02/04/2010 à 08:48
Il est dommage que le carnet de notes de cette
époque n'existe plus car Dugrober y écrivait:
Je ne comprends pas pourquoi ma petite fille
n'a pas eu droit au tableau d'honneur,car elle
a eu de très bonnes notes!!!
Madame la directrice répondait :Mais Monsieur,
votre petite fille a eu des bonnes notes ,certes,mais elle a dû omettre de vous
signaler qu'elle a eu un ZERO en maths.
Pauvre DUGROBER,il avait marché dans ma
combine et outré ,voulait me défendre à tout
prix!!!Je lui ai fait prendre des vessies
pour des lanternes,c'est de la faute à
CHEDOZOT .Et oui,il était si brillant que de
temps en temps,j'aurais bien voulu le
dépasser!!!C était avoir vraiment beaucoup
d'orgueil!!!
Quiquine .
Rédigé par : Jacqueline Paulus Petit | 01/04/2010 à 16:48
Le puzzle se reconstitue. Ces textes me font découvrir un passé que j'ignorais.
Vous aurez les encouragements et sans doute le tableau d'honneur ce trimestre.
Rédigé par : Jac | 01/04/2010 à 15:58