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Le Creoula dans sa splendeur
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Il existait déjà une histoire d'amour entre l'Alentejo et moi. Il y a aujourd'hui une histoire d'amour (qui se greffe sur la première) entre la Marinha et moi. Et cet amour de la mer vit en bonne intelligence avec ma passion aérienne qui n'y trouve rien à redire, en dépit de son caractère quelque peu adultère…
Mais c'était sans doute écrit. N'ai-je pas eu des oncle et tante à Saint-Malo, Fernand et Eugénie Charpentier qui tenaient un restaurant cap-hornier? Et n'ai-je pas passé des vacances malouines, de l'enfance à l'adolescence, intra-muros ?
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Bom dia, Sagres !
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Mais que voulez-vous, je cède toujours avec gourmandise aux appels des sirènes. Les Elogio(s) da Marinha 1-2-3 n'auraient-ils été finalement que des prémisses?
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Adeus, Sagres !
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Ce 23 juillet 2003, à bord du Creoula, ce quatre mâts qui m'est déjà bien familier, j'ai eu le bonheur de vivre intensément le Desfile Naval no Tejo, commémorant le cinquantenaire de la Régate des Grands Voiliers, anciennement Cutty Sark.
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Le Creoula, vaisseau amiral pour l'heure, participait à cette parade des Tall Ships' Race qui appareillaient pour Cadix, venant de Saint-Malo, puis de Torbay, point de départ de la première manche Torbay-Lisbonne.
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Pour la circonstance, en accord parfait avec les dieux des éléments, Neptune, Hélios, Eole, Hélios et Apollon, Lisboa avait mis ses habits du dimanche, ceux de lumière.
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Nulle autre ville au monde que Liboa possède ce privilège d'avoir à la fois la mer (ou plutôt un fleuve maritime) à ses pieds et un ciel démesurément bleu sur lequel se découpe avec acuité le relief de ses édifices. Je veux du moins le croire.
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Ce bleu est unique. C'est le bleu Lisboa. Il venait d'être lavé de frais par des brises du nord-ouest. La Grande Armada (75 voiliers) pouvait alors se déployer et hisser de la toile comme en mer, comme il y deux cents ans, bien avant la vapeur, quand la baie grouillait de voiliers marchands et armés.
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Traversant allègrement le pont de l'emblématique Sagres, j'ai retrouvé le bord du Creoula en "habitué", retrouvé des visages, des sourires familiers, repris avec l'équipage des conversations restées en suspens le 30 mai.
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Nul pays, nulle armée au monde ne possède cet extraordinaire sens de l'accueil du civil. Je l'affirme haut et fort. C'est l'un de ses génies. Ici, pas de castes ni de cloisons. Que des hommes en blanc qui font l'honneur de recevoir en toute simplicité sur le pont de leur maison à voiles, fonctionnant à l'énergie éolienne.
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Ah Saint-Malo, le Mont Saint-Michel, quelles merveilles! L'Île de Cézembre, en face de Saint-Malo, a-t-elle un rapport avec Sezimbra?
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Une simplicité débonnaire qui m'a fait chaud au cœur, moi l'adopté de fraîche date.
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Et nous voilà partis pour une parade gigantesque dans l'estuaire, cap au large, après mille ronds dans l'eau pour la mise en place. Un défilé ne s'improvise pas. Les voiliers sont apparus par magie. Il y en avait un, puis deux, puis dix, puis soixante quinze, sans compter les plaisanciers lisboètes et l'impressionnant vaisseau corsaire, réduit à une coque de noix.
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D'un coup, la baie s'est mise à bouillonner et à s'emplir d'une rumeur joyeuse: friselis, cornes de brume, sifflets.
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Le Creoula a hissé un peu de toile, suffisamment pour procurer une ombre délicieuse à tribord. Bâbord était inondé de soleil. Le capitaine et ses officiers trimaient alors que nous, nous étions plaisanciers. J'ai pu saisir enfin le Comandante Silva Ramos dans sa solitude de chef. J'avais beau tenter de capter son regard, il ne me voyait pas. Il était tout à sa manoeuvre.
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Le chef ne reste pas les bras croisés, il travaille:
ne pas déranger !
Quoique...A moins que des amis passent...
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Pobrete, mas alegrete...dixit FTDA
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L'équipage trimait aussi, nous priant souvent de bien vouloir laisser filer les cordages. Je crois qu'en dépit des apparences, je trimais aussi d'un bord à l'autre, de la poupe à la proue, grillant de la mémoire puisqu'on ne dit plus pellicule.
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MIR, Saint-Petersbourg et Christian Radich, Oslo
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Et le très bienvenu cocktail Creoula, potion magique et secrète est apparu par enchantement, venant nous apporter un inestimable réconfort de soif ardente, en prélude à un arroz de pato (riz au canard), non moins réconfortant. La mer, ça creuse!
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Gloire aux cuisines, aux cuisiniers, aux hommes de service!
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Temps forts
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Nous avons alors vécu deux intenses moments.
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Le passage sous le Ponte do 25 de Abril, étrangement sonore, tablier rouge de métal hurlant.
Un art graphique éphémère qui n'aura duré que quelques secondes, mais qu'il fallait saisir à tout prix. Désormais, je ne franchirai plus jamais ce pont sans penser à sa créativité artistique d'un instant.
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L'intrépide Tomidi belge est passé sagement sur une route parallèle et par bâbord, pour une fois...A un autre moment, j'ai bien cru qu'on allait le fendre en deux.
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Cliquez sur l'image: elle vaut son pesant de voile
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Belle vue du Polar, voilier école, grand frère du Vega, appartenant tous deux à l'unité animée par le Capitaine de Vaisseau Valentim Rodrigues.
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Le Polar fait parler de lui, on dirait
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Passage très attendu du Vega, sur lequel j'ai fait mes premiers pas dans la Marinha.
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Salut au Creoula do Comandante Lucena.
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Et moi de saluer cette proue caractéristique au liseret bleu qui m'a donné tant de bonheur en peinture.
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Hourras et bravos !
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Autre temps fort, l'hommage aux autorités, édiles et officiels, à l'aplomb de la Torre de Belém. Saluts, sirènes, grand charivari. Les quais étaient noirs de foule ou plutôt multicolores. On eût dit que tout Lisboa était là, pour goûter la vision de nous-mêmes, celle que nous n'avions pas.
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O Monumento das Descobertas: salut les ancêtres et les pionniers!
Salut aussi au magnifique Centre Culturel Jacques Delors ! Froid aux dires de certains Lisboètes, mais pour moi, si frais, si pimpant
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Salut le grandiose Mosteiro dos Jeronimos !
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A Torre de Belém, emblématique vigie avancée de Lisboa
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La main sur la couture du pantalon, la tête haute, le regard droit: viva a Marinha!
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Au salut militaire, réglementaire, impeccable, succède le salut do coração, fraternel, chaleureux.
Barulho demais, Senhor Comandante ?
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Les grands voiliers ont disparu comme ils étaient venus de mon champ de vision, tels des vaisseaux fantômes. Etranges apparitions et disparitions, j'allais dire désapparitions…Les navires à voile ont beau filer quelque 10 Kts, il est difficile de les suivre.
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Que de chevaux dans cette coque profilée !
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Um verdadeiro barco do Tejo
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La télévision était de la partie. Mais la retransmission ne fut pas à la hauteur de l'événement. Un mini clip tout en zappings entre la poire et le fromage. Pauvre télévision pressée par le timing.
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Mais moi, j'ai tout mon temps pour goûter, savourer et partager.
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REMERCIEMENTS
AGRADECIMENTOS
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A la Marinha qui permet ces miracles et fait partager avec générosité ses bonheurs de la mer
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Au Contre-amiral Tavares de Almeida
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Au Comandante Silva Ramos, à ses officiers et marins
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A Lisboa qui cheira bem et sera toujours Lisboa
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A Paulo Santos, écrivain de marine que j'ai curieusement rencontré pour la première fois à Portugal Air Show 2005. Il est le point origine. Sans lui, point de marine encore. Qu'il accepte um forte abraço.
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Au Portugal enfin, la plus douce des nations d'Europe
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Aparté
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Encore une fois, je ne puis m'empêcher d'évoquer ce soupir d'un ouvrier portugais qui repeignait un mur de la cour sur laquelle donnait la fenêtre de mon bureau, à Montreux, Suisse. C'était il ya quinze ans. Dans un soupir, l'homme qui ne disait mot de toute l'après-midi, se laissa aller à sa saudade. Il dit:
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- Somos pobres, mais comemos bem
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"On est pauvres, mais on mange bien"...Cette phrase, anodine en apparence, m' est restée gravée en profond relief dans la mémoire. Et si c'était elle qui m'avait déterminé à me fixer au Portugal? Je n'en doute plus.
Ce dimanche 23 juillet, le contre-amiral Tavares de Almeida eut une phrase semblable à l'adresse du Commandant Silva Ramos qu'il présentait aux invités du bord, après le turbin:
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- Pobrete, mas alegrete
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Pauvret, mais plein d'entrain...Joli jeu de mots et de sonorités qui confirmait bien ce que j'avais reçu dans l'oreille comme un appel au bonheur, quinze ans plus tôt.
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E uma vez mais, viva a Marinha !
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Quel bel hommage à la marine, aux bateaux, aux vents et à Lisboa !
Il fait bon vivre au Portugal meme si on y fait pas fortune, mais qu'est-ce qu'on y mange bien ! Le Luso-pessimisme traditionnel ne nous empechera pas d'aimer ce pays.
Um abraço a marinha portuguesa da terra do Gil Eanes.
Rédigé par : Raymond | 30/07/2006 à 22:24
Meu Caro Jean-Claude Petit:
A tua sensibilidade de artista não deixa de me surpreender...através da tua magnífica reportagem será impossível esquecer o magnífico espectáculo que decorreu no rio Tejo no passado Domingo e que os media tão mal acompanharam.
Um evento destes merecia transmissão em directo, com imagens, côr e cheiro...para testemunhar o previlégio dos que nele participaram.
Felizes dos que, tendo escolhido a Marinha como profissão, nele tomaram parte (pobretes, mas alegretes!)e abençoados aqueles a quem foi facultada viagem para partilhar aquela paleta de sensações (melhor do que ter um veleiro, é ter amigos que nos convidem a embarcar no deles!).
O CREOULA uma vez mais fez juz à competência dos seus marinheiros, à sua hospitalidade e simpatia...de uma forma tão discreta, natural e amiga que nos permitiu reforçar os laços, romper amarras, soltar as velas ao vento...
Parabéns pela tua magnífica reportagem, obrigado pela tua amizade, nâo deixes escapar a tua paleta!
Um forte abraço do
FTA
Rédigé par : Fernando Tavares de Almeida | 28/07/2006 à 16:45
tes 3 photos avec le pont du 25 avril, la première avec tous ces bateaux, la seconde avec les mats sont magnifiques.
c'est complétement irréel
merci pour ce reportage
bravo à toi
Rédigé par : jp | 26/07/2006 à 23:04