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Voilà un an que je fréquente avec bonheur la Marinha Portuguesa, depuis mon exposition à la Escola Naval où nous avions célébré les trente ans du Vega, l'un des deux voiliers école, avec le Polar.
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Le lendemain, j'embarquais sur le Creoula pour une croisière technique d'un jour qui nous mena pas bien loin en termes de milles nautiques, de Setùbal à Sesimbra, mais qui reste pour moi une fantastique aventure. J'ai certes fait la connaissance du navire, mais surtout celle des gens. Quelqu'un (et pas le moindre) a eu l'élégance de m'écrire dans un commentaire (Elogio a Marinha 3):
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- Dans ce parcours de marin...ce sont les personnes, plus que la mer, qui nous attirent plus.
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C'était signé FTA. Il se reconnaîtra...Et je suis bien d'accord avec lui !
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Elogio 5, mais où va-t-on?
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Une bonne raison me pousse à écrire ce cinquième volet. En ce 10 mai, le Creoula fêtait ses 70 ans de mer, à Lisboa, sur le Dock da Marinha, très près de la Praça do Comercio.
Temps splendide de rigueur...
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Le Creoula resplendissait, palpitant de pavois. Je me suis approché en douceur, en tapinois presque, pour la saisir dans son écrin de bleu. Il faut dire aussi que je n'aborde jamais ce bateau sans émotion, tant il force le respect. Pensez, 70 ans de bons et loyaux services et une carrière commencée dans la fleur de l'âge en conditions dures, à pêcher la morue sur les bancs de Terre Neuve.
En ce temps là, le bacalhau était surabondant, on ne craignait aucun épuisement de la ressource.
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Dieu seul sait si je n'ai pas mangé de la morue dans mon enfance, pêchée par le Creoula? Mais Dieu que nous n'étions pas armés, nous Normands, pour la cuisiner selon les canons culinaires portugais, choix de la pièce, dessalage savant, mille façons d'accommoder, toujours délicieuse. Chez nous, c'était salé. "Comme la rage", disait Maman qui n'appréciait guère, mais qui a changé d'opinion dès que j'ai su un peu tremper, changer d'eau, tester au coeur du pavé et pocher. Je vous invite à goûter sur Popote et Papote.
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Le Creoula ne pêche plus depuis son acquisition par la Marinha. Il est navire de relations publiques et embarque quantité de groupes à des fins pédagogiques.
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Joyeux anniversaire,
parabens a você, Creoula!
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La Marinha avait organisé pour la circonstance, une cérémonie des plus simples et des plus conviviales. Peu de discours, juste des speaches. Il est vrai que le soleil dardait déjà et que les estomacs, revenus à leur nature primitive, réclamaient à cor et à cris. Pour ma part, je rêvais d'un Cocktail Creoula, le fameux élixir secret qui donne des ailes. Paciência!
Il y avait encore mieux à rêver, retrouver toutes ces bonnes têtes du bord, réunies sous la houlette du contre-amiral commandant la flottille. Le commandant du navire, João da Silva Ramos, ses officiers, sous-officiers et hommes d'équipage. Je les voyais en tenue sombre, celle d'hiver encore, mais je les imaginais en blanc, tels que j'avais eu le plaisir de les voir travailler avec un professionnalisme qui me donne le frisson. Car bouger un tel navire nécessite de la science, de la conscience et de l'expérience. Là, après le "repos!" de la garde d'honneur, ce fut la plus délicieuse décontraction. On se retrouvait en famille.
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J'avais déjà jeté un oeil indiscret sur les cadeaux d'anniversaire et avisé une aquarelle qui de loin, me paraissait déjà fort belle. J'étais cependant loin de me douter que j'allais rencontrer et fraterniser avec son auteur, o meu colega, Fernando Lemos Gomes...Même âge pile, même génération donc, mêmes préoccupations artistiques, mêmes passions.
J'allais aussi renconter "Sailor Girl", auteur du blog Atlântico Azul qui m'avait curieusement "pêché" sur mon site américain Yessy, sans savoir que j'étais si proche géographiquement et "de coração" du Creoula. Car elle en est l'égérie. Raquel nourrit une véritable passion pour ce bateau d'exception. Elle est un vrai marin.
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J'allais en rencontrer du monde et par exemple Madame Jacqueline Silva Dias, veuve du premier commandant du Creoula dès son acquisition par la Marinha. Une Niçoise d'origine.
J'allais renconter encore Garina do Mar, "La Nana de la Mer", auteur d'un livre dédié au Creoula, à paraître bientôt. Elle est aussi l'auteur d'un blog passionnant, nommé Milhas Nauticas.
Que de belles rencontres!
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Et encore, je ne parle pas du buffet, digne du Creoula, de son cocktail savant et secret, des canapés qui, si l'on y eût pas prêté garde en se retenant un peu, n'auraient laissé que peu de chances au superbe bacalhau a braz maison.
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Vint le non moins superbe gâteau d'anniversaire, salué par le Happy Birthday, un Parabens à Você de tradition, entonné par toute la société.
Et comme il n'est pas d'anniversaire sans cadeaux, c'est à la barre, mon poste favori, que se sont échangés les présents, sous la plaque commémorative flambant neuve des 70 ans du Creoula. C'est un âge qui force le respect.
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Mon poste favori, non seulement pour la fascination que ses laitons astiqués et ses bois vernis exercent sur moi, mais aussi par sa position surélevée qui me donne des illusions de grandeur auxquelles je ne peux prétendre qu'en rêve. Et encore...
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Pour ma part, j'ai remis au Commandant Da Silva Ramos, le tableau que j'avais peint dans l'enthousiasme qui a suivi ma première navigation. Encore une proue, ce à quoi je suis très attaché. J'ai voulu représenter le Creoula tel qu' il était il y a soixante dix ans, pêcheur au long cours dans les eaux froides du Cap Nord.
La chance a voulu que cette remise se fasse officiellement le jour de l'anniversaire, ce qui était fort à propos. Merci à celui et à ceux qui y ont pensé en haut lieu.
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Je voudrais saluer ici, ce que j'appelle le génie portugais. Toutes ces rencontres m'ont permis de constater encore une fois le haut niveau de possession de la langue française.
Que certains des Français qui s'ingénient à singer l'accent "Pourtouguêch" de leur concierge ou de leur femme de ménage, retournent à leurs études et prennent leçon.
Leçon d'humanisme et de civilité d'abord: qu'ils oublient leur mépris septentrional pour la Péninsule Ibérique et pour le Sud en général. Je fais exception pour Dominique de Villepin, encore Premier Ministre, dont la sensibilité pour Fernando Pessoa est connue.
Ensuite, qu'ils sachent, ces Français, que les Portugais ont découvert le monde, l'astrolabe, ancêtre du sextant, le vernier (Pedro Nunes, Alcacer do Sal). Qu'ils ont découvert en premier et avant les Bourbons, les Iles Mascareignes vers 1512 (Maurice, La Réunion, Rodrigues). Je le sais car je vis à deux cents mètres de la tombe de Pedro Mascareinhas.
Et qu'ils sont extraordinairement doués pour les langues étrangères.
Lorsque les Portugais ont appris le français à l'école, ils gardent trente après suffisamment de notions pour tenir une conversation. Ceux-là ont certainement reçu un enseignement d'extrême qualité que nos temps marchands ne garantissent plus, ici-bas comme là-haut.
Ce devaient être aussi de bons élèves, tout comme ils sont bons élèves en anglais. Certes, ils rechignent un peu à appeler un bife, un beefsteak. Certes, ils persistent à appeler Argelia l'Algérie, Argel, Alger la Blanche (ce qui demeure pour moi un mystère). Mais o Doutor Durão Barroso n'a pas son pareil pour s'exprimer en anglais ou en français, à brûle pourpoint, sans aucun accent vraiment perceptible. Parabens os Portugueses!
A bord, qui ne parlait pas français? C'est sans doute une survivance d'une époque où la France était un modèle culturel, titre qu'elle a perdu irrémédiablement, sans aucun espoir de retour. Je n'ai pas discerné ni chez l'une ni chez l'autre candidat à la Présidentielle, la moindre volonté de rétablir un semblant de rayonnement français tous azimuts. Trop peu rentable.
Donc, ne vous étonnez pas si ma terre est désormais ici, sous ce ciel bleu presque éternel, et que je me laisse porter par la chaleur humaine qui la dispute à celle du climat. Nous avons quand même eu de la chance en ce 10 mai. La veille, il faisait plus de 30°C...Mini vaga de calor...
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Adeus, Creoula, mais ce n'est qu'un au-revoir, mes frères...
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J'ai repris la route de l'Alentejo, ivre d'images et de voix amies. Et je me suis remis à peindre ce tableau à peine ébauché, d'une barque de Carrasqueira (mon port d'attache) paraissant juste posée sur la peau de l'eau (pour reprendre une expression de Dali). Elle y flotte sans y tremper, un peu comme la poupe du Creoula, sur le fluide vert du Tage.
Vert de sapo, jaune verdâtre clair, pourpre, curieux mélange dansant, d'une extrême subtilité. Mais pour Carrasqueira, moins de difficulté. L'eau est d'huile, filante. Jetez-lui un caillou et elle multiplie les ondes concentriques où les pilotis du port se réfléchissent, déformés jusqu'à l'outrance. Bientôt ici, la génèse de ce tableau.
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Parabens, Creoula
e Viva a Marinha!
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Remerciements chaleureux à Messieurs:
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Le Contre-Amiral Fernando Tavares de Almeida
Le Commandant João da Silva Ramos
Ses officiers
Ses sous-officiers
Aux hommes d'équipage de la Creoula
qui savent si bien recevoir.
Et au Portugal, cela va de soi !
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Dernière minute:
Flor do Alto est né !
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Flor do Alto. Acrylique JCP sur carton toilé, 40 x 35 cm, travaillé "à l'ancienne" par glacis successifs et transparents: la meilleurs recette pour fabriquer de l'eau. Voir Ma galerie de Peinture.
Bientôt en juin, en exposition dans l'excellentissime restaurant français de Lisboa, "LES GOUTS DU VIN", 107 Rua de San Bento. Avec une dizaine d'autres tableaux de mer.
Até jà !
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Le problème avec ce blog est qu'on ne sait plus où jeter les yeux tant c'est beau, les photos et les peintures qui ont de quoi rendre jalouses les photos tellement elles semblent réelles !
Bravo !
Sincèrement Gwen
Rédigé par : Gwen | 06/09/2007 à 13:43
Mon Cher Ami JCP :
Il n'y a pas de paroles...tu es vraiment un grand artiste.
Le CREOULA te remercie.
FTA
Rédigé par : FTA | 14/05/2007 à 22:50