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Dédié à JAC
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Il m'est un peu dur de parler de Vila Nova de Milfontes pour laquelle j'éprouve l'éternelle chanson amour-haine, l'amour toutefois l'emportant largement sur le reste. Dur de se livrer. J'en avais déjà touché deux mots à Alquimista, il y a cinq ans, sous le titre ambigu "Vila Nova, je t'aime, moi non plus". Mon psy me confirme que c'est normal. Donc, pas d'inquiétude.
J'espère avoir réussi à te faire aimer les Mille Fontaines qui d'ailleurs ne sont pas mille puisque nul ne sait si seulement il y en a une. On voit seulement des puits deci delà, ce qui expliquerait peut-être le joli nom de cette bourgade que j'ai connue village et qui est devenue ville-dortoir pour estivants. Un appartement sur deux semble y être à vendre. Renseignement pris, à un prix exorbitant.
J'y ai connu des ruelles en terre battue, des maisons basses de pêcheurs comme on en trouve sur tout le littoral, du Danemark à la pointe ouest de la Péninsule, à Sagres. Quelques toits de roseau. C'était il y a quinze ans.
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Mais c'est le Rio Mira qui m'a fasciné et sur les rives duquel je vais me ressourcer souvent, sauf en juillet et août, les deux mois "sans moi". C'est que Milfontes me pousserait à un égocentrisme forcené.
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La Paix (ni chiens, ni motos, ni gagous, ni sono 4 x 800 W. Déjà quelques vandales, cependant)
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Paix & grèves sauvages!
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Encore une contradiction...La côte y est fort échancrée. C'est que l'océan attaque sans répit, découpant des niches, des plagettes, des criquettes et des calanquettes. C'est un plaisir de se promener dans ce dédale à marée basse, avec de l'eau jusqu'au bas des genoux. En bateau, ce doit être risqué. Il y a des hauts fonds, des récifs.
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Photo JCP 1992
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J'y ai trouvé peu de cayeux, comme on disait par chez nous. Pas de ces grouillements de nos enfances comme à Etretat. Pas vu de crabes (ou si peu) comme on en voyait dans les flaques de Saint-Malo. On dit même qu'à l'Île de Ré, il n'y aurait plus grand chose à glaner. On peut toujours se balader avec un seau et un crochet et chercher, comme ce "Pharmacien de Cadaques cherchant absolument rien", peint par Dali dans un décor marin qui ressemble à celui-ci.
Seuls les gens du lieu, les indigènes trouvent. On en voit passer le soir, rentrant à vélo de la pêche, encombrés de paniers d'où dépasse une épuisette et une canne à lancer. Un chien fidèle suit en trottinant. Le pépé pédale, pieds tanqués, sans forcer.
L'indigène porte petit chapeau noir et transporte toujours tout un arsenal. C'est à cela qu'on le reconnaît.
Pour moi qui fuis les multitudes et le vacarme, les grèves sauvages ne sont pas si ennuyeuses qu'on le prétend à Paris.
Ici, il y a grève sauvage tous les jours, au rythme des marées. Et c'est un bonheur de s'y manifester, hors des grandes transhumances d'été: là, tout est beauté, luxe et volupté. Imagine-toi couché sur le sable. Personne à moins de cent mètres. Tu te noies le regard dans l'azur, essayant de percer son épaisseur, d'y deviner au moins des étages, cent, mille, dix mille pieds. Rien, le ciel t'échappe, à part la traînée de condensation d'un avion de ligne. C'est bleu d'un horizon à l'autre. Et puis, miracle, des goélands ont chopé un bout du vent et filent lentement de travers, ailes immobiles. Là, tu es sûr que ton ciel fait au moins dix mètres d'altitude.
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Second miracle, le même vol de goélands revient, vent en poupe cette fois. Il file à grande vitesse. C'est à cet instant même que le pinceau me démange. Une flamme blanche éclatante sur fond bleu intense.
Mais ce n'est pas tous les jours Byzance.
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Immobilier sauvage
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J'entends par là qu'il ne semble pas y avoir de plan bien structuré. Certains ont vendu leurs maisons de pêcheurs et doivent bien regretter de n'avoir pas attendu. Des maisons neuves ont poussé avec le bitume. Jolies en général. Mais l'odieux y a aussi trouvé son compte, tel ce condominium jaune ibéro-mauresque qui pointe ses pseudo-minarets.
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L'édifice n'est pas laid en soi, vu de loin. Je l'ai approché, il se délabre déjà. Normal. Il n'est habité qu'en août et les quelques pékins qui y résident à demeure, ne peuvent supporter les charges réparties sur quelques têtes. J'y ai éprouvé un sentiment de malaise. Chemin non terminé, aires de jeu délabrées, tas de sable poubelle, graffiti qu'on adore comme tu sais, peintures écaillées, lézardes, volets clos, silence de mort et cet immonde terrain vague qui borde, des hectares et des hectares de friches. Je sais aussi, par témoignage direct, que des planchers sont en creux. Problème de joints de dilatation, peut-être de ventilation?
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Mauvais choix que celui de se laisser aller au mirage immobilier qui ne laisse au pays que trois haricots. L'immeuble est de construction strictement hollandaise, m'a-t-on dit.
Côté pavillonnaire, c'est plutôt réussi. Mais là encore, un immense terrain vague rempli de détritus, un vrai dépotoir, attend depuis des années quoi? Un permis d'inhumer? Un permis de lotir encore et toujours plus ? Et les égouts? Y-a-t-il une station d'épuration seulement? Difficile de dénicher l'homme de l'art qui vous renseignerait.
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Cliquez, vous êtes à 1600m d'altitude
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Milfontes s'est doté d'une pléthore de boutiques qui ferment en novembre quand elles n'ont pas bouclé le 31 août. Sinistre en hiver et au printemps. Economie accordéon. Il serait temps de freiner.
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Vive la tradition!
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Rive gauche, point de golf (encore). Mais cette immensité aux dix mille tentations restera-t-elle toujours aussi vierge de golfeurs, obsédés par les cuts, les puts, les bunkers, le gazon à dix huit trous, bouffeur d'eau douce et d'espace? Tourisme navrant. Tourisme dévorant. Tourisme ignorant. Dis-moi ce qu'un golfeur australien sait du bacalhau a braz? Du marché de Milfontes? Des huîtres délicieuses et sauvages du Rio, plus en amont?
Silence, omerta sur le projet en cours, car il y en a un. Circulez!
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Ferozmente azul !
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Le Rio Mira reste pour l'heure un long fleuve tranquille, "ferozmente azul", comme dirait Sailor Girl qui ne rêve qu'en bleu. Aucun jet ski hors saison. C'est déjà ça de gagné. Les poissons s'y retrouvent, peuvent frayer.
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Au loin, la barre, comme au Sénégal...Nous n'en sommes pas si loin...
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A fateixa...comme la marisqueira l'indique.
A Fateixa, comme son ancre l'indique. "Notre" table est au coin, à gauche.
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Tu avais déniché de beaux Y majuscules à Carrasqueira, voilà un joli V.
A quand un Ç , pour notre alphabet naturel ?
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Flash back
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J'étais saturé de Sesimbra et de l'Aldeia do Meco de plus en plus bondés. J'ai découvert Milfontes en 1992, au hasard d'un repérage plus au sud, toujours plus au sud. Plus au nord de Milfontes, je m'étais interdit Sines et ses fumées pétrochimiques et charbonneuse (EDP y chauffe à la houille, un scandale écologique qui vaut 500 000 automobiles/an en termes d'équivalence de résidus). Les fumées sont visibles depuis A Ilha do Pessegueiro. (Un énorme projet de pétrochimie est en cours).
Mais au sud, la Costa Vicentine était libre.
J'ai poussé mes investigations jusqu'à Zambujeira do Mar, magnifique plage tout aussi sauvage d'octobre à juin.
Mais Milfontes me fascinait étrangement. C'était encore un village, pas un dortoir. On y logeait chez l'habitant pour des prix qui semblaient dérisoires à ceux qui avaient fait une croix sur la Côte d'Azur. Pas si loin, un vieil homme et sa jument Hortense faisaient des livraisons.
J'y voyais comme un début d'Afrique, un commencement de Maroc avec climatisation, ce qui n'était pas pour déplaire à mes gènes haut-normands. Bougainvillées, palmiers à foison, lumière intense, brise du nord ouest en général, presque érectile. Je parle ici, tu l'as compris, des poils d'avant-bras et de jambes. Il suffisait alors de se plaquer sur le sable, d'y dresser un rempart pour jouir d'une température équilibrée.
L'eau y est très fraîche. Le Gulf Stream, dévié par le ressaut de La Coruña, orbite encore au large. Eau fraîche = poisson. Il faut voir ces pêcheurs taquiner le loup depuis les rochers.
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Le niveau zéro de ma grégarité. Serais-je misanthrope?
Affirmatif!
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J'ai passé là des heures de plage délicieuses à dévorer des livres. William Boyd, tout Céline, tout Jules Renard, tout re-Giono. J'y ai essayé Proust, mais je me suis endormi en dépit de ses jeunes filles en fleurs.
Nous prenions le bac chaque matin pour traverser le Rio. J'ignorais que je naviguais sur le Miracor, devenu bateau emblématique, la première étrave portugais que j'ai peinte en grand format.
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Miracor à quai...
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MIRACOR en peinture
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Cliquez. Miracor, acrylique JCP sur toile de lin 120 x 90cm. (Voir Galerie "Marines).
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Un dépliant publicitaire appelant à des balades sur le Rio Mira a repris mon image en page de couverture, sans mon autorisation, sans mention de l'auteur, sans préciser que c'était un tableau. Le dépliant est à l'Office du Tourisme. Je suis flatté et vexé à la fois.
Mais j'avais "emprunté" le bateau et le dépliant a "emprunté" mon tableau. Nous sommes quittes, Maresia? Cela vaut bien quand même une remontée du Rio Mira "à l'oeil", non? Et puis, au prochain retirage, mentionne mon nom et écris une légende.
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Zézé
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Zézé se meurt...Zézé est mort...Revive Zézé, pêcheur d'algues !
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Ont suivi Zézé, "pêcheur d'algues" qui se meurt aujourd'hui, éventré, cavé et pourri. Il reste beau, en dépit de sa ruine. Son jaune accroche la lumière du couchant. Et dans le cadre improvisé de son safran qui s'émiette, j'ai encore le goût de chanter sa beauté de vieille coquette. Aussi vrai que je te cause, ma Zézette !
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Quoi qu'il m'en coûte de l'avouer, un moteur marin bouffé par le chancre ferrugineux, c'est beau. L'alu vieillit moins bien.
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Zézé au temps de sa splendeur.
Acrylique JCP 130cm x 90 cm (Voir Galerie "Marines")
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J'ai saisi aussi Zézé en petit format, avant qu'il ne s'éventre.
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Zézé II, acrylique sur toile JCP 27cm x 22cm (voir Galerie "Marines")
En expo parmi d'autres à Lisboa, au restaurant français "Les Goûts du Vin", face à l'Assembleia Nacional.
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A moi Milfontes, deux mots!
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Tu comprends aisément que je sois devenu si intolérant vis à vis de mes confrères peintres en façade, dont les tags ravagent Milfontes. Il y a péril en la demeure.
Je me suis autoproclamé peintre des bateaux de Milfontes qui vont disparaître. J'ai l'immodeste sentiment de faire oeuvre de mémoire. Ce n'est pas pour qu'une poignée d'assassins de l'esthétique répandent leur misérable peinture en bombe sur les murs de cette ville que j'ai faite mienne.
Pourquoi mienne? Parce que, parce que. C'est ainsi.
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Vila de Milfontes
Acrylique JCP 100cm x 80 cm (Voir Galerie "Marines")
En expo parmi d'autres à Lisboa, au restaurant français "Les Goûts du Vin", face à l'Assembleia Nacional.
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J'ai par contre fort apprécié ma rencontre d'aquarellistes amateurs sur l'esplanade du château. Des Ecossais. J'ai tiré une séquence avec leur permission.
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By courtesy of the Scottish Boss
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Allons voir de plus près
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Pas mal du tout, en dépit d'un vent gênant !
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God bless you, camarades Ecossais !
No Fine Arts, no way !
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Célébrités
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Le monument dédié aux pionniers, sur l'esplanade du château.
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Il fallait bien que je place un peu d'aviation dans cette histoire...La première liaison aérienne Portugal-Macao est partie d'ici, décollant sur le Rio Mira à bord d'un Bréguet XVI muni de flotteurs. A bord, Sarmento de Beires, Brito Paes, Manuel Gouveia. C'était le 7 avril 1924. A Milfontes, ils ont chacun leur rue.
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Toi qui as l'oeil, tu reconnaîtras ces deux zigottos qui ont envahi la plage un après-midi de septembre 2004.
Juin, septembre, octobre, ce n'est qu'à ces moments qu'on goûte vraiment la mer.
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J'en viens, j'y retourne!
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La vie continue.
Nous n'avons pas connu JPC, seulement a travers ses peintures et ses textes sur internet.
Nous sommes aussi tombés amoureux de Vilanova de Milfontes et l'année dernière(avril 2014) nous avons acheté une petite maison au dessus de l'ex élevage de poissons, à coté de Mr Molle, un Français de Vilanova de Milfontes.
Le texte ci-dessus exprime exactement tout ce que j'aurais voulu dire si j'avais eu le talent de JPC, alors merci pour cette petite bouffée de bonheur et nous essaierons de penser à ceux qui ont su apprécier ces lieux avant nous.
Philippe et Martina
Rédigé par : philippe MARTY | 10/05/2015 à 14:07
J'étais revenue faire un tour sur MILFONTES
je voulais râler après ces SPAMS à signes cabalistiques venant salir les beaux textes de mon ptit frère ...
les Spams,on s'en fiche,après tout !!!
Mais quel bonheur de redécouvrir tout ce que tu aimais, ou non !
j'ai adoré:J'y retourne ... Et Le pinceau me démange...
Tristesse et bonheur mêlés...
QUIQUINE.
Rédigé par : PAULUS PETIT JACQUELINE | 29/11/2013 à 11:52
Merci pour ce joli poeme sur vila nova de milfontes .Nous sommes des amoureux de VNM ,terre de naissance de mon mari,ou nous avons notre famille.Etant francaise je suis completement fan depuis 20ans deja.
Rédigé par : ISABELLE | 01/08/2010 à 16:58
Bonjour,
Je fais moi aussi depuis peu blog dans lequel je mets les photos de mes différents voyages, en France et ailleurs. Je viens de terminer une page sur le portugal, tel que je l'ai connu la première fois en 1979 et je suis "tombée" sur votre blog. Quel belle promenade dans mes souvenirs,des lieux connus et aimés. Et j'ai vu que vous connaissiez Zambujeira, ce merveilleux petit village de pêcheurs à l'époque qui hélas et victime du tourisme maintenant. Et comme tous les voyageurs amoureux du Portugale cette "saudade" qui m'envie encore une fois..... Bonne continuation
Cordialement.
Isabelle
Rédigé par : Isabelle | 18/11/2007 à 14:48
un très bon reportage! qui touche de près la poésie...
quel est le "tourisme" qui s'est "approprié" de ton tableau?
Rédigé par : garina do mar | 27/10/2007 à 17:33
Merci , JCP, pour ce texte qui me touche.
C'était une belle journée et les poissons de chez Fateixa, délicieux.
Rédigé par : JAC | 14/10/2007 à 08:37
Merci chef : c'est beau comme tu aimes V.N. de Milfontes. Tes photos sont absolument splendides (le moteur sur-oxydé entre autres). L'immobilier, on l'oublie, basta et pis ché tout'.
Te rappelles-tu du patron de la Fateixa ? Inoubliable dans son genre, non ? Le poisson grillé qu'on y avait mangé aussi.
Rédigé par : Phil' | 07/10/2007 à 21:36
J'ai trop aimé vos sites.
Vila Nova de Milfontes... Vos peintures... Revoir les pionniers de l'aviation portugaise... Vos galeries dont une réservée à l'aviation... La Sagres...
Je reviendrai souvent et je vais les conseiller à mes amis.
Depuis Lisbonne, recevez mes meilleures amitiés.
Gabriel
Rédigé par : Gabriel de Sousa | 04/10/2007 à 15:37