2 – Príncipe, L’île du
Prince : O paraíso, le Paradis sur terre
(L’avion de la LASTP piloté par la célébrité
locale, Pestana, en provenance de São Tomé se pose à Santo António, île
de Príncipe)
Je crois que
Príncipe est ce que j’ai vu de plus beau dans mes voyages. L’île est petite (19
Km de long sur 15 de large) et peu peuplée (moins de 5000 habitants dont plus
de 1500 à Santo António) mais la vie y bouillonne et y turbine à chaque pas. La
forêt dense couvre le sud de l’île, le nord est relativement plat et cultivé.
Autour de magnifiques plages sauvages au sable blond et aux eaux transparentes
se penchent des cocotiers bienveillants et s’embrasent de somptueux
flamboyants.
La voix de
la sève en mouvement, l’incroyable orgie végétale, les champs fumant de chaude
humidité, les floraisons miraculeuses, la vigueur insensée de leur
épanouissement, tout ceci évoque l’Eden ou une sorte de résurrection fastueuse.
Bien sûr, il
y a une autre face moins euphorique à ce paysage, quelque chose de triste, de
nostalgique, de vermoulu, un air de saudades…Les petits palais portugais
et les maisons d’un rose vif ont commencé à se décolorer sous les pluies, la
moisissure s’étale en taches sur les murs lépreux, beaucoup de toits sont à
demi effondrés. Des milliers d’insectes agglomérés sur les moustiquaires
émettent des bourdonnements menaçants. Les rivières engrossées charrient des
eaux jaunes et boueuses porteuses de maladies.
Les enfants,
timidement quémandeurs (« Branco ! Branco ! Blanc !
Blanc ! » murmurent-ils), illustrent le dénuement des populations de
même que l’excitation fébrile des femmes mobilisées par la grande
nouvelle du moment: demain arrive dans le port un bateau chinois porteur
de vêtements gratuits ou presque, offerts royalement par la grande république
soeur. Espérons que les coquettes ne seront pas trop déçues par les canons de
la mode pékinoise des années 80…Sur le petit port de Santo António, nous
scrutons tous l’horizon dans l’attente du pavillon chinois…
Les enfants
ont trouvé une diversion : ils courent tous après le pilote Pestana dont
la popularité est grande. N’est-il pas le principal lien de l’île avec le reste
du monde? En outre, il ressemble à la grande étoile du football français de
l’époque : Michel Platini. Des grappes de gosses l’accueillent en
scandant : « Platini ! Platini !... ». Moi, je
suis plutôt content car il est arrivé que des gamins me crient : « Pestana,
Pestana ! ». Si je ressemble à Pestana et que Pestana
ressemble à Platini, c’est donc que je ressemble à Platini. On a toujours
sous-estimé mon profil sportif…
(Michel
Platini à la fin des années 80. Une nette ressemblance, n’est-ce pas ?)
Le soleil
nous fait cadeau d’une dernière incandescence fastueuse avant de sombrer à
l’horizon et d’abandonner le pays aux ténèbres. Sans transition, l’obscurité
s’abat comme un couperet. Le temps s’immobilise, l’univers se précipite dans
les profondeurs de la nuit. Le vent déchire aussitôt les nuages et dans le noir
velouté des cieux, surgit une gerbe d’étoiles plus scintillantes que jamais
dans l’air nettoyé.
Nous avons
joui longtemps de l’humide et chaude tranquillité de la nuit…
(Santo António, capitale de l’île de Príncipe, à la
tombée de la nuit. Au fond, le sommet de l’île environ 1000 mètres)
Demain, nous
rentrons à São Tomé si Dieu et Pestana le veulent. L’équipement météo de
l’aéroport de Santo António est limité et c’est surtout le nez de Pestana qui
décide…S’il décrète « Eu, não vou. Moi, j’y vais pas », nous aurons
le plaisir d’attendre. On pourrait être plus malheureux !
Allons,
Pascale, une dernière touche pour alimenter les beaux souvenirs et les saudades…
(Ile de Príncipe : petite plage déserte, eau
transparente, sable blond, orgie végétale, somptueux flamboyant. Pastel
et aquarelle de Pascale Bas. 1983)
Daniel et Pascale Bas, 10 juin 2009.
merci pour ces propos très encourageants pour Pascale et moi. merci également pour les Santoméens. Votre enthousisme nous fait du bien.
Rédigé par : Chedozot | 27/12/2009 à 18:30
Ce somptueux billet de voyage est exactement ce que l'on ose à peine espérer de trouver en partant à la pêche sur le net. Un luxe de concision et, mieux que le Wikipédia, mieux que Flickr, une atmosphère, un regard, un parti pris.
En fait, à l'origine, nous avons trouvé quelques timbres avec cette inscription mystérieuse: S. Tomé e Principe. Il y a donc un pays de ce nom? Un quart d'heure plus tard, après un passage obligé par Wikipédia puis des photos anonymes à gogo mais littéralement insensées, nous avons eu la chance de tomber sur votre blog. Je l'ai lu à voix haute, tout le monde est venu regarder la belle aquarelle. C'est comme si une nouvelle fenêtre s'ouvrait. Merci à vous. Voilà. M.
Rédigé par : L'oursM | 27/12/2009 à 13:33
Tu as parfaitement décrit la splendeur et la misère de ce petit bout de terre qui semble dériver entre l'Afrique de l'Ouest et nulle part.
Tu es de ceux qui savent le mieux évoquer la moiteur du climat tropical humide.
Je connais peu de peuples dont la gentillesse soit comparable à celle des habitants de São Tomé (avec les cambodgiens).
Rédigé par : Phil' | 11/06/2009 à 05:36