Pour
maintenir la cohésion du jeune Etat insulaire nouvellement indépendant et pour
assurer son ravitaillement en produits essentiels, l’avion était d’une
importance capitale. Il y avait bien des liaisons par bateau entre les deux
îles, mais elles étaient aléatoires et ont d’ailleurs mal fini en 2008 par un
naufrage faisant 14 victimes. L’avion était donc un outil incontournable. De
quelles liaisons aériennes le pays bénéficiait-il ?
La TAP
portugaise assurait chaque semaine une liaison avec Lisbonne. La TAAG angolaise
reliait trois Etats lusophones par un vol hebdomadaire Luanda - São Tomé - Sal
(Cap Vert). La compagnie nationale LASTP (Linhas Aéreas de São Tomé e Príncipe)
reliait régulièrement les deux îles et surtout maintenait un cordon ombilical
avec Libreville d’où parvenaient à cette République Démocratique naissante et
démunie quelques biens de la société de consommation. Le grand pays lusophone
voisin et ami, l’Angola, en proie à la guerre civile, ne pouvait être d’un
grand secours dans le domaine des approvisionnements. Il n’y avait que dans le
relativement prospère Gabon qu’on pouvait tout se procurer à condition d’avoir
de l’argent.
Un
exemple : mon premier voyage à São Tomé tombait en même temps que la
première visite depuis l’indépendance d’un Président de la République
portugaise, le Président Eanes. C’était le branle-bas de combat pour le
recevoir dignement mais tant de choses manquaient! L’avion de la LASTP
faisait dans ce but de nombreux allers-retours sur le Gabon. Je me souviens
d’avoir attendu plusieurs heures pour quitter Libreville : l’équipage
avait dû retourner en centre-ville en quatrième vitesse parce qu’on avait
oublié la peinture pour rafraîchir les murs de la chambre allouée au Président
Eanes. Je me souviens d’avoir voyagé au milieu d’un nombre impressionnant de
pots de peinture et autres fournitures pour le bien-être du visiteur, y compris
une armoire et quatre caisses de rouleaux de papier hygiénique.
L’unique
avion de la LASTP (qui sera rebaptisée en 1993 « Air São Tomé e
Príncipe » et sera partiellement privatisée) était destiné pour moitié au
transport des marchandises et des animaux (chèvres, moutons, poulets notamment)
et pour l’autre moitié au transport des personnes. C’était un Fokker F. 27.
400, court courrier de 44 places.
(Air São Tomé e Príncipe)
Il ne
chômait pas, il était à bout de souffle. Je me trouvais à São Tomé lorsqu’il a
dû partir trois semaines à Luanda pour une révision générale : le pays
était dans un état d’isolement angoissant et j’ai un peu souffert de
claustrophobie. C’est beau, une île, mais on en a vite fait le tour et on aime
bien sentir qu’on peut en sortir...
(Le Fokker F.27.400 en chargement, seul trait
d’union entre les deux îles et avec le continent)
Peu de temps
après mon départ d’Afrique centrale, la compagnie se dotera d’un second
appareil, un Islander BN-2A pouvant emporter 10 passagers.
(John Britten et Desmond Norman : BN2A, Islander)
Plus tard
encore, la compagnie s’équipera d’un DHC-6 Twin Otter de chez de Havilland
Canada emportant 20 passagers et particulièrement performant pour les
atterrissages et décollages courts. Cette acquisition, hélas, ne lui portera
pas chance : l’avion sera perdu corps et biens le 23 mai 2006 lors d’un
crash en mer pendant un vol d’entraînement au large de la baie d’Ana Chaves,
près de l’île das cabras (des chèvres), au nord-est de São Tomé. Le coup
sera fatal à la compagnie qui sera liquidée. Tout récemment, « São Tomé e
Principe Airways » a pris le départ pour remplacer Air STP.
(de Havilland Canada : un DHC – 6 Twin Otter)
Mais
revenons à l’époque glorieuse du début des années 80 que j’ai bien connue.
Pestana fait alors la pluie et le beau temps dans le ciel santoméen. C’est une
personnalité rude et sympathique, un homme court et rond qui parle carrément.
Il jouit d’un pouvoir extraordinaire : pour moi, c’est de deuxième
personnage de l’Etat après le Président de la République ! Il décide si on
part, quand on part. Il supervise le chargement, veille à ce qu’il soit bien
équilibré. C’est difficile, il y a des meubles, des bêtes et des gens !
Son homme à tout faire, Inacio, se fait taper sur les doigts s’il a placé tous
les poids lourds d’un seul côté : « Inaaacio, fideputa… ».
J’ai vu le malheureux Inacio tout redescendre et recommencer son
chargement à zéro. Pestana n’est pas méchant, il gueule comme ça mais il
l’aime bien et le protège, son Inacio. Pestana est un gars carré qui mène les
affaires rondement. Pestana est un précurseur du principe de précaution.
Quand le
ciel est gris, on voit de bon matin la silhouette râblée de Pestana, la tête enfoncée
dans les épaules, les mains dans les poches, aller et venir, humer l’air,
scruter le ciel, faire de grands signes de dénégation : « Eu, não
vou ; Moi, j’y vais pas ! » marmonne-t’il. Alors, c’est le
défilé des solliciteurs et des pleureuses :
« Mais, Pestana, mon ami, tu ne vas pas me faire ça ! Tu
sais bien que ma vieille mère attend après ses médicaments. On ne peut les
trouver qu’à Libreville
- Pestana, mon entreprise s’arrête si je ne rapporte pas de matières
premières du Gabon, tu ne veux pas mettre mes ouvriers au chômage. », etc. etc.
Alors,
Pestana s’attendrit tout doucement en jurant que c’est bien la dernière fois
qu’il se laisse prendre… Et on y va : « Inaaacio… ». Et
tout le monde met la main à la pâte… Et ce soir, dans l’aéroport moderne de
Libreville, défileront sur le tapis roulant les valises éventrées, les colis
mal ficelés, les voitures d’enfants, les chèvres et poulets entravés, dans un
concert de cris, de pleurs, de rires, de bêlements et de caquètements sous le
regard condescendant des autorités gabonaises…Pestana a encore une fois réussi
sa mission de service public ! Vive Pestana !
A toi,
Pascale, pour un adieu sous un beau ciel d’orage à São Tomé :
(Ciel d’orage et mer houleuse sur São Tomé. « Eu,
não vou ! » dirait Pestana…
Pastel et aquarelle de Pascale Bas, 1983)
Daniel et Pascale Bas, 11 juin 2009.
Magnifiques les images et les info sur STP une ile que j'entends visiter bientot. je vis aux USA mais je suis originaire du Cameroun et je peux certifier qu'on y trouve bien des jacquiers. Les fruits sont rarement consommes, sinon par quelques enfants, c'est une plante introduite il y a un peu plus d'une trentaine d'annees. De meme, il y a des arbres a pain et la aussi le fruit n'en est pas consomme, il est pratiquement ignore; seules quelques personnes informees en ramassent pour les cuire ou les frire (les frites sont delicieuses et plus legeres que les pommes de terre.
Rédigé par : LEO | 20/08/2010 à 16:22