A pied, en voiture, en camion, en tracteur
de la Normandie à la Scandinavie (1954) :
15 – SUOMI/FINLAND : de TURKU/ÅBO (prononcez : Ôbo) à HELSINKI/HELSINGFORS
Plus simplement : Finlande, de Turku à Helsinki
Ce titre compliqué juste pour préciser ou rappeler que la Finlande est officiellement bilingue Finnois/Suédois. En fait, à forte majorité purement finnoise (90%), ce qui est bien gênant car cette langue ne ressemble à aucune autre (à l’exception du magyar que nous ne parlions évidemment pas en 1954, n’ayant pas encore un Président de la République immigré de Hongrie…).
(Carte du sud de la Finlande. Notre itinéraire : Turku – Salo- Helsinki – Porvoo – Imatra et la frontière soviétique - Savonlinna – Mäkeli – Heinola - Lahti – Helsinki - Turku)
Ceci n’allait pas sans inconvénients pour nos deux « wanderer » qui, mission agricole accomplie à Rickssätra et bourses regonflées, reprenaient ce 13 août 1954 leur randonnée en auto-stop à travers l’Europe, en tous cas l’Europe libre car le « rideau de fer » en rendait la moitié Est hors de portée.
Pour vous mettre en bouche, les déclinaisons finnoises ont 13 cas : génitif, partitif, essif, translatif, inessif, élatif, illatif, adessif, ablatif, allatif, abessif, comitatif, instructif! Si le cœur vous en dit, prenez note des références de ma méthode:
Vous savez sans doute ce que sont le génitif et le partitif. Mais je sens que vous brûlez d’en savoir plus : l’essif sert à exprimer l’état où l’on est, le translatif ce qu’on devient ; l’inessif, l’élatif et l’illatif indiquent respectivement que l’on est dans quelque chose (je suis dans la maison), qu’on en sort ou qu’on y entre ; l’adessif, l’ablatif et l’allatif indiquent respectivement la position sur quelque chose (je suis assis sur la chaise), l’abandon de cette position (je me lève de la chaise) ou la prise de cette position (je m’assois sur la chaise) ; l’abessif correspond au « sans » français ; le comitatif indique la chose ou la personne qui en accompagne une autre ; enfin, l’instructif indique la manière ou le moyen. Tirez votre chapeau, je suis quand même allé jusqu’à la page 18 !
Aujourd’hui, je m’honore de savoir encore une bonne trentaine de mots finnois, ce qui me place très au-dessus de la moyenne nationale des finnophones. Curieusement, ce reliquat de mes études lointaines (inutile de préciser que la vie m’a donné peu d’occasions de pratiquer le finnois depuis lors !), ces bribes, donc, traduisent remarquablement le contexte et les préoccupations de mon âge en 1954 et les nécessités de ma situation de jeune stoppiste paumé: prendre contact, plaire et survivre. Je sais donc dire : vous parlez finnois en Finlande, je parle français, bonjour, bon voyage, merci, je vous aime, la fille, ceci pour répondre aux deux premiers points.
Et pour le troisième point, la survie : manger, dormir, boire, épicerie, lait, pommes de terre, viande, fromage, allez-vous à Helsinki, train, bus, bateau, maison et, je ne sais pourquoi, sans doute un besoin de protection : le père. Et, bien sûr, « perkele, merde ! ». Pas mal, non[1] ?
(Roger parle français, anglais, allemand, russe et un peu suédois. D’aucun secours dans la Finlande profonde…)
(Daniel parle français, anglais, espagnol et un peu italien. D’aucun secours dans la Finlande profonde… Il achètera dès le premier soir sa méthode de Finnois à Helsinki.)
Pendant longtemps, la Finlande a représenté pour moi ce qu’on peut trouver de plus déroutant, dépaysant, exotique. Je ne l’ai jamais revisité. J’aime ce pays, je lis avec délectation Arto Paasilinna, notamment « Le lièvre de Vatanen » pour en revivre l’ambiance. Pourtant, je crois que je n’y retournerai pas, j’ai trop peur d’être déçu, trop peur que la Finlande en soit venue à ressembler au reste de l’Europe.
Pour garder toute la pureté et la fraîcheur de mes impressions sur la Finlande de 1954, je reproduis ici sans corrections mes notes de l’époque :
La Finlande est certainement le dernier endroit de l’Europe libre qui offre à un Français un dépaysement total. Elle ne ressemble à aucun autre pays, qu’il soit latin, germanique ou slave. Elle se complaît dans le mystère de ses origines. Les Finlandais aiment à raconter que « Suomi » viendrait de Sem, le fils de Noé et ils déroutent volontiers toutes les recherches, d’ailleurs jamais concluantes, encore que les plus sérieuses voient une parenté des Finnois (et des Hongrois) avec certains peuples d’Asie Centrale. En fait, si les types germaniques et slaves abondent vu la longue domination des Suédois et des Russes dans l’histoire finlandaise, il est certain que la langue déroute les plus fins linguistes. Si la minorité de langue suédoise (un dixième de la population totale, sur les côtes sud-ouest et sud) est ouverte sur les langues germaniques, les Finnois, eux, sont d’un niveau linguistique médiocre car ils éprouvent pour n’importe quelle grande langue européenne le même dépaysement total que nous, à la découverte de leur langue dont aucun mot, aucune racine, ne ressemble de près ou de loin aux nôtres.
Les exceptions sont rares : il en est ainsi pour le vocabulaire technique et pour quelques rares mots qui sont venus là on ne sait comment et dont l’énoncé provoque un étonnement aussi béat que si un chat se mettait à vous adresser la parole… C’est le cas de « pousscailloussi » pour dire soldat : le « pousse-cailloux » qui balaye interminablement la cour de la caserne a dû être importé via Saint Pétersbourg et la cour du Tsar par des instructeurs militaires français ! Le respect du bilinguisme et la politique extérieure de rapprochement scandinave poussent à enseigner dans les écoles le suédois comme seconde langue et non une grande langue européenne comme l’allemand (le russe, fruit d’une longue résistance passive, reste incompris, même des vieux) mais cet entêtement est contre-productif.
N’exagérons pas le caractère original de la Finlande. On pourrait prendre le contre-pied et dire aussi bien que ce pays n’a aucun caractère propre (au risque de se faire honnir par ce peuple si sympathique). La Finlande sent la Russie, c’est la grande plaine russe et la grande forêt russe qui commencent. Les têtes rondes à pommettes saillantes abondent, les femmes bottées travaillent dur sur les chantiers comme en URSS, le paysage avec ses isbas, ses sapins, ses bouleaux, ses routes de terre battue et ses télégas correspond bien avec l’image que je me suis faite dans mon enfance de la Russie du nord. Si les régimes politiques sont bien différents et ont imprimé sur les tempéraments des hommes des trajectoires divergentes, le paysage, lui, ne peut avoir sensiblement différé.
D’ailleurs, ici, la Russie est partout présente. La frontière est bien proche, le Russe honni est à 50 kilomètres d’Helsinki, dans l’enclave de Porkhalla que le train pour la capitale doit traverser tous rideaux baissés, une sentinelle soviétique par compartiment pour détecter les espions ! Les eaux territoriales sont terriblement exigues. On a peur du puissant voisin mais courageusement, virilement. On respecte loyalement le traité de paix léonin et on paye sans rechigner des dettes de guerre écrasantes avec autant de courage que lorsque l’on défend les armes à la main son indépendance.
On peut se demander pourquoi l’URSS s’est contentée de cette neutralisation qui a donné le substantif « finlandisation » au lieu d’absorber tout simplement ce petit pays pour en faire un satellite supplémentaire. Tout bien pesé, il semble qu’elle n’ait tout simplement pas pu ou pas osé : qui se frotte aux Finlandais se pique. Malaparte raconte dans Kaputt l’épisode significatif de la cavalerie russe saisie par les glaces en hiver 40 au milieu du lac Ladoga et des « pousscailloussi » massacrant les Russes pris au piège et festoyant tout l’hiver sur les têtes des chevaux gelés !
Ces hauts faits d’armes n’étonnent guère quand on a vu ce peuple vigoureux, féru de sports, vivant continuellement et par tous temps nu et dans l’eau ! Dès l’office de change, on constate que ce nudisme national est illustré par les beaux billets de 1000 marks finlandais ornés d’un cortège de jolies filles nues fort affriolantes et dont le port serait interdit dans nombre de pays catholiques aux moins de 16 ans ! Mais c’est surtout le célèbre Sauna qui est l’accomplissement parfait de ce sens du sain qui caractérise ce peuple rude et fort.
Le samedi, les petites cabanes rouges que chaque fermier finlandais a à cœur de construire avant même d’édifier sa maison sont le siège d’un cérémonial traditionnel : les cheminées fument jusqu’à l’horizon, on fait chauffer au bois dans une immense chaudière les pierres sur lesquelles ce soir on va projeter des seaux d’eau pour dégager une vapeur qui fait monter le thermomètre à cent et vous fait devenir rouges comme des écrevisses (notez au passage que les écrevisses sont un grand régal national).
Le samedi soir, toute la famille est là et se prend béatement le chaud sur des gradins de bois, les plus endurcis en haut car la chaleur monte, les plus douillets en bas. On interrompt cette délicieuse immobilité pour se laver, se fouetter vigoureusement avec des verges de bouleau (ça fait circuler le sang) ou plonger dans l’eau glacée d’une rivière contiguë ou dans la mer Baltique (13 degrés au mieux !).
On invite ici à venir se mettre à poil en famille comme on invite chez nous à prendre le thé et c’est un grand honneur pour un étranger. Le sauna est un élément de cette hospitalité étonnante des Finlandais qui est pour moi la plus touchante et la plus généreuse en Europe. Le « livre des hôtes » dont s’honore chaque famille, modeste ou nantie, montre bien que l’hospitalité est un passe-temps national. D’ailleurs, l’étranger est si rare qu’on se l’arrache, la densité de population est si faible qu’on est heureux d’avoir du voyageur une bouffée d’air extérieur.
J’aime la Finlande de tout mon cœur. (Daniel Bas, 1954).
Je n’ai rien changé à mon texte vieux de 57 ans car certains éléments sont indispensables pour se pénétrer du contexte et comprendre la suite de mon récit. Le caractère « exotique » de la Finlande a certainement disparu aujourd’hui et j’ai entre-temps connu en Afrique des étonnements bien plus saisissants. Mais en 1954, la Finlande, c’était le bout du monde, ça ne ressemblait à rien de ce que nous avions pu découvrir en Belgique, en Allemagne, au Danemark ou en Suède ! Les types physiques, la langue, les routes de terre battue, les lacs et forêts, les isbas, les télégas[2], l’hospitalité, rien ne correspondait à nos modèles.
De même, mon mélange d’émerveillement et de gêne face au nudisme national peut paraître outré en 2011 car les moeurs se sont heureusement libéralisées et l’égalité des genres a fait des progrès: mais en 1954, un jeune homme issu d’un pays latin patriarcal et à censure catholique ne pouvait que recevoir un choc puissant en manipulant des billets de banque ornés de jolies filles en tenue d’Eve ou, encore bien plus, en se mêlant aux nudités dans la mixité de familles rencontrées une heure plus tôt sur la route. Si je parle alors de ce peuple « sain », c’est que j’ai beaucoup appris de lui (et aussi des Suédois), les mauvaises pensées étant exclusivement de notre côté.
A ce sujet, j’ai une anecdote bête et méchante à raconter. Mon ami Roger était beaucoup plus pudique que moi. Aussi loin que je puisse rassembler des souvenirs, je me rappelle le courroux d’une voisine venue se plaindre à ma mère de ce que je lui avais montré mes fesses de manière ostentatoire et attentatoire! Je devais avoir au plus trois ou quatre ans ! J’étais donc préparé au sauna nordique ! Roger, lui, s’en faisait une montagne et subissait à ce propos mes sarcasmes! Pendant que nous étions tous à prendre le thé au salon, lui, il était resté à ruminer dans sa chambre « J’y vas t’y, j’y vas t’y pas », pris qu’il était entre le désir de s’adapter à la culture ambiante et l’horreur que lui inspirait l’idée de se montrer nu. Une idée diabolique m’a alors saisi : j’ai quitté le salon pour monter lui dire :
« Dépêche-toi, Roger, ils sont déjà tous déshabillés dans le salon, ils n’attendent plus que nous pour gagner le sauna ! Ne perdons pas de temps, à tout de suite en bas, tout nus !
- Comment ? Nus dans le salon ? Eh bin, ça alors ! La nudité dans un cadre d’effort sportif, j’arrive à comprendre, mais, comme ça, bien calés dans des fauteuils, la tasse à la main, ça me dépasse !
- Discute pas, c’est comme ça, je me déshabille en vitesse, j’y vais, rejoins nous vite ! »
Mon Roger s’est mis en tenue, si l’on peut dire, a pris sur lui de s’aventurer dans l’escalier et a fait une courte apparition très remarquée dans le salon. Bien sûr, il était le seul nudiste et s’en est rendu compte tardivement avant de rebrousser chemin dans une fuite éperdue !
Si je fais par ailleurs l’apologie de ce peuple « rude et fort », c’est que j’avais déjà eu l’occasion d’être impressionné par les quatre jeunes Finnois qui travaillaient avec nous au camp de Rickssatra. Chaque matin à la première heure, dans un flot de « Perkele !» (à peu près l’équivalent de notre « Merde ! »), ils partaient se laver en plein air, à l’eau froide bien sûr, et la jeune Finlandaise Terrtu leur frottait le dos en tout bien tout honneur. Puis, se saisissant de longues perches qui servaient à faire sécher les foins, ils s’entraînaient au javelot. A noter que la Finlande avait organisé les premiers jeux olympiques de l’après-guerre et avait la médaille d’or en lancer de javelot. Lorsque je pointais frileusement mon nez dehors pour aller me « débarbouiller » le visage, j’entendais parfois : « Oh ! Daniel ! » et aussitôt sifflait à mes oreilles une perche lancée de main de maître et que mon interlocuteur attendait que je saisisse au vol et retourne immédiatement à l’envoyeur… Je préférais me jeter à plat ventre comme on me l’avait appris pendant la guerre lorsque surgissaient les bombardiers et sifflaient autour de moi la mitraille et les éclats d’obus !
(A droite, nos quatre rudes compagnons finlandais. On sent leur adresse à saisir le manche et on les imagine bien s’en servir de javelot)
Si je reste impressionné par « ce peuple rude et fort », c’est aussi à la suite d’une expérience personnelle. Notre premier sauna était sur une île dans la mer Baltique, à Porvoo. Nos hôtes s’étaient amusés à nous « bizuter » : ils faisaient devant nous avec le plus grand sérieux le compte des Français qu’ils avaient reçus. Apparemment, aucun n’avait survécu à l’épreuve du bain de vapeur suivi d’un plongeon dans les eaux froides de la Baltique ! A notre grand émoi, en parcourant leur « livre d’hôtes » et en y pointant les Français, ils faisaient semblant de se remémorer une série de drames :
« Ah oui, j’avais oublié, celui-ci, c’est celui qui avait coulé à pic en plongeant dans la Baltique après le bain de vapeur…C’était un gendarme, je crois. Ah ! celui-là, c’est celui qui avait voulu jouer avec notre ours et s’était fait assommer…Et lui, là, il s’était aventuré dans la forêt, on ne l’a jamais revu, tu sais, le soir où on avait entendu hurler les loups… »
Et autres plaisanteries du même genre qui nous faisaient pâlir de trouille. Qu’allions-nous trouver dans ce sauna ? Un ours ? Blanc ou brun ? Quelles étaient nos chances d’échapper à la congestion ? Et le loup, y es-tu, m’entends-tu ? Inutile de préciser que, finalement, nous avons passé l’épreuve sans dommage et même avec délectation, le bain à 12 degrés représentant plutôt un soulagement et l’épaisse couche de vapeur brûlante assurant une protection efficace contre le froid à condition de ne pas y séjourner trop longtemps. Ni ours, ni loup à l’horizon.
Mais enfin et surtout, ce qui provoque l’admiration envers ce peuple « rude et fort », c’est la vaillante résistance de 4 millions de Finnois face à 200 millions de Russes ! Indépendante depuis 1919 seulement, la Finlande n’a pas connu une guerre entre 1940 et 1945 mais trois ! Pendant la première, en 1940, a eu lieu l’épisode épique déjà mentionné plus haut du Lac Ladoga soudainement pris par les glaces au moment où la cavalerie russe le traversait. Certes, l’URSS a pu annexer la Carélie mais elle n’a pas pu venir à bout de la résistance finlandaise. Deuxième guerre en juin 1941 aux côtés des Allemands pour récupérer les provinces perdues et assiéger Léningrad. Troisième guerre en 1945 contre les anciens alliés allemands qui ne se décidaient pas à partir : on m’a raconté l’histoire poignante d’un régiment de Viennois perdus dans le grand Nord et devenus fous ! Comment arracher des jeunes au beau Danube bleu et aux valses viennoises pour les faire guerroyer dans la toundra !
Résultat : crainte et haine du Russe ! Nous ne comprenions pas grand’chose de ce que nous disait notre premier stop à Turku, mais il était clair qu’il levait le poing rageusement à chaque fois qu’il parlait de la Russie ! Et nous avons passé une nuit dans une isba modeste tenue par trois générations de femmes seules : sur le buffet, trois portraits d’hommes entourés de crêpe noir, le grand-père, le père, le fils, tous trois morts au Russe ! Mon ami Roger Drobacheff, fils de Russe blanc, a essayé quelquefois de parler Russe : les gens se refusaient à comprendre et à répondre.
On notera que dans mon texte de 1954, j’ai essayé de promouvoir l’allemand comme première langue étrangère pour les Finnois. C’est qu’en effet l’alliance germano-finlandaise contre l’URSS et la présence de troupes allemandes pendant trois années de guerre avaient laissé des traces : on avait une petite chance d’être compris en Allemand. D’autre part, en 1954, la suprématie de la langue anglaise ne s’était pas encore imposée partout en Europe
A présent, entrons dans le détail. 13 août à l’aube, Turku : on retarde les montres d’une heure, c’est déjà un premier dépaysement, on fait pour la première fois connaissance avec le décalage horaire. A la douane, inscriptions en plusieurs langues, ça ce n’est pas nouveau mais le cyrillique fait son apparition. D’autres indications en russe dans la ville nous persuadent que nous sommes aux portes d’un monde très différent. La ville a du caractère : beau port actif, vieux château, belle cathédrale.
Nous nous présentons sales et en guenilles pour un breakfast à l’anglaise dans le premier hôtel rencontré : c’est celui du Rotary ! Le groom en livrée s’avance prestement : il va nous éconduire ? Pas du tout : très respectueux, il nous conduit dans un salon privé où nous serons servis comme des princes. De la sorte, nous nous sentons honorés alors qu’il s’agit en fait de nous cacher à la vue et à l’odorat des autres clients ! Excellente première impression de la Finlande !
Conversation limitée avec le premier stop, celui qui tend le poing en parlant des Russes. L’ « autoroute » devient vite une piste de terre. Le deuxième stop est un taxi gratuit qui nous offre des cigarettes longues comme nous n’en avons jamais vu. Le troisième est un camion qui nous mène à Salo. Dans le quatrième, on arrive à parler un peu allemand : on nous offre des glaces. Le cinquième nous conduit jusqu’à Helsinki : Daniel file tout droit dans la meilleure librairie pour y acheter avant la fermeture son livre de finnois. Puis nous nous installons dans l’auberge de jeunesse dont je garde deux souvenirs marquants : j’ai failli me battre avec un Allemand qui avait squatté mon lit (ça paraît bête aujourd’hui mais je n’en serais pas venu aux mains avec un citoyen d’un autre pays !) et j’ai eu honte d’un compatriote, un commissaire de police marseillais dont on voit mal ce qu’il faisait dans une auberge de jeunesse et qui allait répétant à tous propos avec un accent à couper au couteau : « Ici, ça mann’que de finesseu…Oui, ça mann’que de finesseu… ». Il n’avait pas tout à fait tort, on ne peut pas dire qu’Helsinki soit une très belle ville. Nous avons quand même voulu rendre hommage à la démocratie finlandaise (les femmes y ont voté dès 1919) en rendant visite au Parlement.
C’est tout pour aujourd’hui. Nous verrons Helsinki plus à fond au retour. Pour l’instant, ce qui nous motive, ce qui nous mène par le bout du nez, c’est la frontière soviétique, nous voulons y arriver au plus tôt. On a dit tant de choses sur l’URSS que nous voulons voir par nous-mêmes et nous ne doutons pas un seul instant que nous sommes plus malins que tout le monde et que nous allons parvenir au moins à nouer des contacts d’un jour à la frontière. Nous rapporterons au moins un paquet de cigarettes russes en France. Notre résolution fait peur aux Finlandais. Ils nous mettent en garde, nous racontent des histoires effrayantes de jeunes occidentaux qui ne sont jamais revenus. Ils nous supplient de ne pas faire de bêtises car ils sont ensuite victimes de représailles des Soviétiques qui les accusent de complicité avec des espions. Ces récits nous donnent le frisson mais stimulent notre envie de jouer les braves…
En route, donc, le 14 août 1954 à l’aube vers l’est…
Daniel Bas
10 avril 2011.
[1] Te puhutte suomea Suomessa ; puhun ranska ; hyva païva ; hyva matka ; quiitos ; minä rakastan sinua ; tytto ; syödä ; mukkua ; juoda ; sekatavarakauppa ; maito ; peruna ; liha ; juusto ; menetteko Helsinkiin ?; juna ; bussi ; laira ; talo ; isä.
[2] Téléga : voiture hippomobile à quatre roues.
Le Roger dont tu parles,c'était Roger Drobachev ?
Ce doit être un vrai supplice de se retrouver,
nu comme un ver,dans une maison,devant les hôtes vêtus !!!
Mon cousin je ne t'aurais pas cru capable de
pouvoir tendre un tel piège !!!
Quiquine.
Rédigé par : Paulus Petit jacqueline | 13/04/2011 à 06:28