(Leçons particulières dans un château hanté des Carpates)
SUITE
A la mi-juin, les résultats viennent de tomber. Je suis parvenu à arracher de haute lutte un 10/20 inespéré au contrôle principal. Mon père est fou de joie. Il me propose de cesser les cours, de payer les deux séances du mois et de me faire grâce des deux dernières. Les parents de Michel en font de même : leur fils vient de sauver brillamment sa tête et son précieux deux-roues en décrochant une des meilleures notes de la classe. Un ultime voyage en mob s'impose donc pour régler la facture et prendre congé poliment de notre guide-sauveteur.
Mardi. Pour la dernière fois nous grimpons les quatre étages. Nous sonnons. Un léger bruit de pas. Le plancher grince. Puis un long silence. Pourquoi notre précepteur prend-il tout ce temps pour nous observer par le judas ?
Lentement, très lentement la porte s'ouvre.
Une femme, jeune, belle, rayonnante, nous reçoit. Elle s'excuse. Son père est malade. A l'hôpital. Une petite opération. Il sortira dans quinze jours. En attendant elle lui assure ses cours de maths. Un joli sourire plisse ses yeux. Comment un homo sapiens aussi hideux peut-il être le géniteur d'une beauté pareille ? Longue et svelte dans sa robe de soleil, il exhale de toute sa personne un charme inattendu qui pétrifie d'émotion les deux lycéens boutonneux que nous sommes.
Sans avoir le temps ni le réflexe de pouvoir exposer à cette dame les récentes dispositions prises par nos parents, nous prenons place à ses côtés, pour nous lancer, la joie au cœur, à la conquête des algorithmes.
Cette présence douce, élégante et parfumée à quelques centimètres de notre anatomie encore innocente, nous donne des ailes et stimule aussitôt notre désir de sonder davantage l'univers mathématique. Au fil des minutes, lorsque mademoiselle s'exprime, son public la dévore des yeux et boit ses paroles. Parfois elle tend le bras pour consulter un livre, alors ses longs cheveux balaient légèrement ma joue.
La séance se termine par une révision ludique des théorèmes et des formules au programme.
Pour une fois, je n'ai pas vu le temps passer et n'ai porté aucun regard à l'aquarium.
Et puis il faut bien un jour revenir sur terre et quitter cette belle âme.
JAC, le 9 juin 2014
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