La route de la mer de l’est
2 – Hakone 箱根町
En 802, une
éruption du mont Fuji ayant condamné la route directe, on ouvrit un détour ardu
par Hakone. Ce passage était le plus abrupt du Tôkaidô. Dans son roman précité,
Jippensha Ikkû parle des « célèbres huit lieues de Hakone aux mille
cailloux saillants » et fait dire à son héros Yajirobei :
Foulés ou heurtés
Ces cailloux de Hakone
Aux pieds voyageurs
Comme laque adamantine
Imposent un cruel labeur.
Les
seigneurs riverains du Tôkaidô avaient eu la bonne idée d’ombrager certains
secteurs du parcours de cryptomères. Les siècles en avaient fait d’imposantes
nefs de feuillage. Le gouvernement de Meiji s’est empressé de les débiter en
traverses de chemin de fer, modernité oblige. De nos jours, des amis de la
nature ont restauré pour les rendre aux piétons certains tronçons du parcours
originel et j’ai pu en profiter à Hakone.
De la région
de Hakone, je garde trois souvenirs frappants. D’abord, la multiplicité des
sources d’eau chaude fortement minéralisées. Tout autour de soi, la terre fume
et exhale une puissante odeur de soufre.
(La vallée volcanique d’Owaku dans le parc national de
Hakone fume comme un sapeur)
Des petits
marchands vendent des œufs de poule qu’ils font cuire en les plongeant avec un
panier métallique du genre panier à salade dans des trous d’eau bouillante
chargée de soufre. Ils en ressortent avec des coquilles d’un joli noir
brillant. Pique-niquer en février avec des œufs durs noirs sur lit de neige est
du plus bel effet. La « houille rouge » par ses émanations
volcaniques fournit le chauffage en plein air. On dit que manger des œufs noirs
de Hakone garantit sept ans de vie supplémentaire ! Pas étonnant que les
Japonais détiennent le record mondial de longévité !
(La cuisson en source thermale donne une couleur
« coquille d’œuf » inattendue. Au contact de la neige, une buée s’est
formée. Photo Daniel Bas, 2004)
Autre
souvenir frappant de la région de Hakone : le lac volcanique Ashi. Par
temps clair, le reflet du mont Fuji plonge dans ses eaux limpides. Le lac est
sillonné par quelques répliques de voiliers anciens ou de navires de guerre
d’époque qui permettent de le traverser jusqu’à Hakone-machi où a été reconstruit
tel quel un poste de garde du Tôkaidô dont j’ai déjà parlé en
introduction.
(Lac Ashi sillonné par un navire de guerre d’époque.
Photo Daniel Bas, 2004)
Mon
troisième souvenir frappant du parc d’Hakone, ce sont les bains. Les bains
chauds –très chauds- publics ou privés, sont prisés partout au Japon mais la
région d’Hakone est particulièrement renommée pour ses bains sulfureux et
bouillants. J’en ai bénéficié et j’ai appris beaucoup sur ce sujet et sur les
comportements à adopter au bain. Laissez moi partager avec vous ma science
fraîchement acquise et d’autant plus communicative.
Il y a trois
sortes de bains au Japon et trois mots pour les désigner : Onsen 温泉, Sento 銭湯, Furo 風呂. L’onsen 温泉, c’est le bain naturel (intérieur ou extérieur) dans
des sources volcaniques bouillantes, chaudes ou tièdes, souvent chargées de
soufre comme à Hakone. L’onsen peut être en pleine nature ou dans le
cadre d’hôtels ou d’auberges typiquement japonaises, les 旅館 ryokan. Ces bains sont rarement mixtes. De toute façon, ils
ne sont généralement pas scabreux car une idée de purification shintoïste
sous-tend cette activité rituelle.
Le sento
銭湯, c’est le bain public de quartier.
Jadis, tout le monde fréquentait le bain public. Aujourd’hui, la plupart des
Japonais ont leur salle de bain privée, le furo 風呂. La baignoire y est généralement carrée et
profonde. On la remplit d’eau froide et l’eau est ensuite chauffée par un
système à gaz installé sur le côté. Des robinets, parfois une douche, sont
fixés très bas sur le mur : c’est pour se laver et se rincer, assis sur un
tabouret, à l’aide d’une cuvette et d’une grosse louche.
Attention !
Quel que soit le type de bain pratiqué, rappelez-vous bien que vous n’entrez
pas dans l’eau, généralement très chaude, pour vous laver mais pour vous
détendre et vous purifier ! Il faut se laver et se shampooiner d’abord,
bien se rincer, puis se plonger propre comme un sou neuf dans le bain collectif
ou la baignoire individuelle. Dernier conseil : les toilettes sont
généralement séparées des salles de bain au Japon. Si vous vous y rendez,
n’oubliez pas d’y laisser en sortant les chaussons, mules ou socques affectés à
ces lieux impurs. Les garder aux pieds pour entrer dans la salle de bain, haut
lieu de la pureté, serait particulièrement fâcheux.
Pendant
que j’en suis au chapitre de l’hygiène, un mot des WC japonais. Vous en
trouverez qui sont à l’occidentale. Mais les vraies toilettes japonaises ont
leur spécificité. Un dessin sera plus parlant :
washiki, 和式
Il convient
de grimper sur le socle et de s’accroupir face à la partie bombée. On dit que
pour cette fonction physique, il est préférable de s’accroupir plutôt que de
s’asseoir. Mais si vous préférez la position assise, le Japon est dans ce
domaine à l’avant-garde. J’ai eu le plaisir de me détendre délicieusement dans
un « washlet » et j’ai pris le temps de photographier de mon siège le
tableau de bord de cette confortable limousine…
washlet »
(ウォシュレット)
(Le tableau de bord se passe de commentaires, même
les illettrés peuvent le déchiffrer. Le permis de conduire n’est pas requis.
Photo Daniel Bas prise au Sheraton de Tokyo en 2004)
A suivre…
Demain, Kamakoura.
Daniel Bas
21 novembre 2009.
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