Je n’ai pas dormi de la nuit. Est-ce à cause des graines que je picore sans cesse depuis des jours ? L’eau de la réserve serait-elle polluée ? Il faudrait peut-être varier notre alimentation et ne plus manger autant de pistaches.
Hier soir un petit événement est venu troubler notre quiétude.
Toujours cette maudite musique d‘« en haut ». Ils devaient être une vingtaine là-dedans à se trémousser comme des malades, à taper du pied en rythme sur le plancher. Dibanga avait peur. Elle s’est mise à trembler. A voler partout.
J’ai cogné plusieurs fois avec un balai au plafond. Sans résultat. Alors j’ai ramassé un vieux tourne disque. De rage, je l’ai fracassé contre le mur.
Ca m’a soulagé.
Et puis, un silence. Mon paradisier s’est figé sur place.
La porte s’est entrouverte. Deux yeux ! Les yeux d‘« en haut »!
La femme me regardait.
Derrière son dos, il y avait des têtes qui se poussaient pour mieux voir.
Sa première apparition depuis un an. D’instinct, je me suis protégé le visage.
Heureusement. Je la connais. Au même moment, elle m’a lancé des épluchures sur la tête. Et puis des pommes pourries ! Des entrailles de poisson !
La mégère a crié : « Tu remontes ou tu restes avec ton sale oiseau ? Je te donne jusqu’à Noël. Après cette date, si tu ne quittes pas ton trou à rats, je te réserve une surprise… »
J’aurais pu répondre. D’ailleurs, j’étais sur le point de le faire. J’ai ouvert la bouche. Mais aucun son n’est sorti. Juste un gazouillis de bébé. Un an sans parler. En si peu de temps on peut donc perdre l’usage de la parole ? Fallait s’y attendre.
La porte s’est refermée.
Finalement, remonter, pour quoi faire ?
J’ai cherché des cartons pour m’en couvrir le corps.
Beaucoup de questions ont tourné dans ma tête.
Est-ce que je suis physiquement capable de grimper les marches de l’escalier? A force de tourner en rond dans ce réduit, mes muscles ne m’obéissent peut-être plus.
Comment me présenter en public ?
On me reprocherait mes poils trop longs. On voudrait me couper cette touffe de cheveux qui couvre mon ventre. On se moquerait de mes chiffons autour de mes pattes, de mes gesticulations qui remplacent les mots, de mes allures d’animal blessé, de mes canines hypertrophiées.
Je ne suis pas présentable.
Jamais je ne voudrais lire dans le regard des humains le mépris, le dégoût pour la forte odeur d’oiseau que ma peau dégage.
Je n’ai plus qu’à attendre avec sérénité l’approche de l’hiver.
Sérénité, calme, espoir. Mes mots préférés.
JAC, le 22 septembre 2013
FIN
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