Mexico, février 2006
Boris entre tambour battant dans le hall d’archéologie du musée. D’instinct il se dirige vers la salle des Mayas. En tant que spécialiste de l’art précolombien, le visiteur n’a donc pas besoin de guide. Il traverse l’édifice, sans un regard pour les pierres du soleil et ne s’attarde pas devant les piliers ni les stèles ciselées. Comme dans un rêve ses pas le portent jusqu’au sous-sol. Et puis, il s’arrête, bouche-bée devant une galerie. Enfin, il a trouvé ce qu’il cherchait : la tombe royale de Pakal le Grand.
La visite commence par un portrait sculpté du souverain, affublé d’une étrange déformation céphalique, commune à tous les monarques de l‘époque. En effet, les Mayas comprimaient le crâne du nourrisson avec deux planchettes, afin de lui imposer une forme oblongue, rappelant celle d’un épi de maïs. Les cavités orbitales se trouvant compressées elles aussi, entraînaient peu à peu chez les futurs dirigeants un strabisme spectaculaire. Cette pratique permettait de faire la différence entre les élites et le peuple.
Un peu plus loin, apparaît le splendide masque de jade du défunt, entouré de bijoux et d’ornements précieux. Boris est saisi d’émotion devant ce visage vert, ces yeux troublants à la pupille noire de jais et à l’iris albâtre.
Le roi a la bouche ouverte. Ce détail n’évoque en rien l’instantané de la mort. Pour les peuples d’Amérique Centrale, c’est par cette ouverture que l’âme du trépassé pouvait s’échapper vers l’au-delà.
L’assemblage de tesselles épouse la moindre particularité du front, des ailes du nez et fige pour l’éternité chaque trait de la face.
Boris est sous le charme. Il lui faut une parure équivalente. Coûte que coûte. Il a traversé l’Atlantique pour se procurer « la » pièce qui manque à sa collection. Même une copie lui suffirait, pourvu qu’elle soit de qualité. Il sait déjà où la placer sur le buffet du salon, entre la statue d’Oxipili, le dieu des fleurs et une figurine en terre cuite provenant de Palenque.
La nuit, le jade se refroidit. Aux premières heures du jour, lorsque le soleil vient le réchauffer, il exhale de la vapeur d’eau. La pierre donne alors l’impression de respirer. Voilà pourquoi les Mayas considéraient ces masques comme des êtres animés et qu’ils leur attribuaient une dimension sacrée.
Peut-il faire confiance à Miguel dont il n’a fait la connaissance qu’hier dans le hall de l‘hôtel ? Il y a toujours un risque à monter des opérations de ce type avec des inconnus, même si ce contact lui a été recommandé par son réseau depuis Paris.
Pas le choix. Trop tard pour reculer. Et puis, il a procédé de la même façon à Lima quand il a ramené une statuette en or.
La seule difficulté dans la transaction est de transporter l’argent. La ville a mauvaise réputation en matière de sécurité.
JAC, le 11 octobre 2013
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