Années 1960-65
Je revenais du lycée en fin d’après-midi. La grande maison rouge embaumait le café au lait, le beurre frais et la confiture. Chacun racontait sa journée.
Annick et Marie-José chantaient « Tous les garçons et les filles de mon âge… » et prenaient l’air affligé au moment où elles entonnaient « Oui, mais moi… »
Avant de commencer les devoirs nous écoutions « Salut les copains » à la radio. Johnny et Sylvie faisaient partie de notre famille.
Nous apprenions nos leçons en chœur, dans une jolie cacophonie de verbes irréguliers espagnols, de déclinaisons latines ou de fables de La Fontaine. Pas besoin de dictionnaire entre nous : les bonnes volontés spontanées suffisaient amplement, chacun donnant son avis sur le sens du mot mystérieux. De temps en temps, au milieu d’une équation à rallonge, la mère envoyait l’une des deux filles à l’épicerie du quartier pour un achat de dernière minute, sel, ail ou lessive. Au retour de la course, il y avait souvent distribution de carambars ou de réglisse, ces maudites sucreries qui vous accéléraient sournoisement le rythme des visites chez le dentiste.
Dès les premières chaleurs, il fallait penser à éviter les rubans anti-mouches suspendus au plafond. Celui qui oubliait la présence de ces trois ou quatre pièges dans la salle, courait le risque de s’accrocher les cheveux à la bande de colle, déjà occupée par des dizaines d’insectes.
Au dîner, c’était souvent potage, bifteck purée ou hachis Parmentier. Une fois par semaine lapin à la moutarde.
Pas de télévision. Mais il ne fallait pas rater l’émission radiophonique « Quitte ou double », ni parler pendant les plages de trente secondes accordées au candidat pour répondre.
Après une partie de 1000 Bornes ou de Petits Chevaux, chacun montait dans sa chambre. L’escalier, qui craquait à chaque marche, sentait la térébenthine et la cire d’abeille.
Je ne séjournais chez monsieur et madame Levasseur que pendant la semaine, et ce, depuis la sixième jusqu’à la seconde.
Quand j’arrivais chez eux le dimanche soir vers 21 heures, je trouvais parfois maison vide. Certes, la clef était toujours sous le paillasson, mais je préférais rester assis sur les marches de l’entrée à attendre leur retour, comme le font si bien les chiens fidèles.
JAC, le 3 mai 2015
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