12 mars 1993, Délifrance, Hong-Kong,
La
belle héroïne du film de Jean- Jacques Annaud, l’Amant, s’accoude, nonchalante
à une barrière. Elle pose un pied sur un montant supérieur, laissant un espace
entre ses jambes, là où apparaissent, sexe dressé, les phares rutilants,
chromés de la voiture du prince chinois. Le regard cherche, fouille, explore,
s’insinue à travers de multiples obstacles et parvient toujours à trouver ce
qu’il veut. Le regard « absent » n’est souvent qu’une flèche coudée,
modulable et flexible qui s’infiltre néanmoins et qui pénètre les arcanes de
l’univers. Le regard « présent » agit de même, mais souhaite se faire
voir, se donne contenance, fait des poses pour séduire. Le regard est un jeu de
société. La vie est un jeu d’ombre et de lumière.
Il y
a derrière cette tasse de café, une main aux doigts gantés de bagues. Les
doigts se posent lentement sur le bord de la tasse. Derrière cette main vit un
visage mobile, sans trop le vouloir, parce qu’il achève une délicate bouchée de
croissant. Derrière ce visage il y a toute une vie qui fait semblant d’être
pleine mais qui rêve, en secret de s’ouvrir à l’improviste. A l’inconnu. A
l’intention de se faire connaître. Mais…le « visage »
rentre le soir à la maison, prend ses enfants dans ses bras ou ses factures,
s’avachit sur le canapé, « a mal à
la tête parce qu’ il a eu beaucoup de travail au bureau
aujourd’hui. » Et chaque soir, on prend sa nuit dans ses bras, en
s’imaginant transporté par des vagues et des guerres, à faire et à refaire.
L’œil instille le fantasme qui permet au monde
de respirer en toute quiétude. C'est un instrument indispensable pour refouler, se défouler, éviter
des tensions.
Les yeux d’en face qui me disent leur nom, m'offrent pour une poignée de secondes l'occasion de rêver, d’imaginer…Le désir se nourrit très vite puis retombe, prêt à
passer à la pulsion suivante.
« Fugitive beauté dont le regard m’a fait soudainement renaître… »
JAC, le 18 novembre 2009
Les commentaires récents