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Avec des oeufs royaux du Père Tourroy, il va sans dire...
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La méthode complexe:
L’œuf « cocotte »
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C'est la variante d’hiver dopée aux lipides
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Cette façon cocotte est un peu plus élaborée que la manière coque, basique, minimale, mais elle reste simplissime.
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Elle consiste à faire cuire l’œuf en petit ramequin dans un bain-marie.
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Il vous faut un four qui chauffe bien (thermostat 6) et dans lequel vous allez préchauffer un plat large et creux avec une quantité d’eau baignant les trois quarts de vos ramequins. Mesures à vide recommandées, car rien ne serait plus dommageable qu’un débordement d'eau bouillante dans les ramequins.
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- Je repose ma question, mes poulettes : combien a-t-on rapporté d'oeufs aujourd'hui, dans le joli petit nid douillet ?
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- Pas des masses Monjulot, six comme d'habitude...
- C'est maigre, en effet: va falloir vous y mettre les filles, ou alors, je vais me fâcher !
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Prenez un ramequin que vous aurez au préalable beurré.
Bocuse dit «grassement beurré», mais rien ne vous interdit d’économiser, surtout l'embonpoint.
Un peu de fleur de sel au fond. Cassez-y votre œuf du Père Tourroy. Recouvrez de crème fraîche, salez encore un brin le blanc et râpez du très bon parmesan ou du Comté.
Terminez par une joyeuse poudrée de Piment d’Espelette sur le jaune. Disposez vos ramequins dans le bain-marie (bouillant) et enfournez pour 6 à 7 minutes.
La cuisson réclame une vigilance particulière. Pas assez cuit, c’est cru, trop cuit, c’est foutu : observez et surveillez la prise du blanc. Dès que c’est à point, ôtez vite vos ramequins et posez-les sur un torchon lui-même disposé sur un plat de service.
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A table !
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Et que Vincent, François, Paule et les autres ne choisissent pas ce moment pour aller se laver les mains, faire un pipi qui n’en finit pas ou terminer un téléchargement sur un site Internet quelconque, tel Sur le Zinc, son Bis, G1trou.com (que des conneries!), Couleur Alentejo ou Popote & Papote.
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L’œuf cocotte du Père Tourroy ne supporte pas l’absence ou le retard ! Pour lui, dîner est un acte religieux.
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Chacun prend son ou ses ramequins et en voiture ! On part en voyage gastronomique à prix réduit, pour peu qu’on boive là-dessus un bon petit cidre basque fait pour l’œuf justement. Et puis ne beurrez pas vos mouillettes cette fois-ci, ça ferait désordre. C’est encore une œuvre d’art. Le fromage a fondu et s’est mélangé à la crème rouge de rouille par l’effet du piment.
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- Alors là, pas question d'en faire plus, Monjulot! On ne fait pas dans l'abattage, nous, comme certaines collègues !
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Au goût, c’est l’extase, à condition bien sûr d’avoir su choisir un pain digne de ce nom, sapide, élastique, aéré.
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Au plat en miroir
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C’est tout un art encore, mais à la portée de tout épicurien. Simple question de philosophie du bien faire et du laisser dire les néo cuistot(e)s, tout à leur micro-ondes, tueurs de saveurs et illusoires gagneurs de temps.
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Il convient de disposer d’un four muni d’une espèce de salamandre, cette rampe à infrarouge qui chauffe par le haut. Pour le bas, une poêle anti-adhésive propre suffit. J’entends par propre, une poêle qui n’ait jamais été surchauffée, déformée ou dont le revêtement de téflon soit encore intact et pas griffé par des outils métalliques ou un tampon à récurer.
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Sinon, jetez-la si vous ne voulez pas qu’un jour, à la « faveur » d’une biopsie, on ne vous retrouve des paillettes de téflon dans l’estomac. Une bonne poêle en fer à fond épais fera encore mieux l’affaire. Car l’anti-adhésif, c’est une mode inventée par le marketing à l’affût de toute seconde gagnée sur l’inexorable fuite du temps, le bonus de la ménagère. C’est une mode et une supercherie destinée à flatter celles et ceux qui sont nuls en conduite, celle du feu s’entend.
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Un feu se pilote en effet. Les capteurs sont la paume, le dos de la main, l’auriculaire, l’oreille et le nez. Si ça fume noir, jetez et recommencez. C’est du pétrole brut que vous étiez en train de distiller.
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- Nous, on est élevées sous l'âne, comme les veaux sont élevés sous la mère. Barbie est sympa. Elle nous laisse piqueter ses feuilles de choux ou ses épluchures de courgettes. C'est pour ça que nos oeufs sont bons.
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Quant au beurre que vous allez utiliser, clarifiez-le. Cela vous permettra d’en ôter la caséine (petit lait) indigeste et même malsaine quand elle est cuite et surtout surchauffée : le beurre noir est un poison. Attention à la raie du même nom !
Pour clarifier, faites seulement fondre une plaquette de beurre doux (surtout sans sel) dans un bol placé au bain-marie. Dès la fonte totale et refroidissement, placez le bol au réfrigérateur. La caséine se séparera toute seule par différence de densité. Grattez le blanc et gardez le beurre jaune clair.
Revenons à nos œufs au plat.
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- T'es qui, toi, pour nous donner des leçons?
- Moi? je suis le photographe. T'as une gueule qui me plaît...
- Eh ben moi, elle me plaît pas ta gueule! Dégage!
- Bon, c'était juste un test...Mais fais gaffe à Noël, chipie !
- Poinc, poinc...chuis pas une chipie, chuis l'jars, d'abord!
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Mettez à chauffer la rampe supérieure de votre four. Dans la poêle (ou un petit poêlon émaillé), faites chauffer un peu de beurre clarifié. Dès qu’il grésille légèrement, jetez vos œufs du Père Tourroy que vous aurez cassés au préalable dans un bol. Vous pourrez ainsi vérifier la dimension de l’opercule et contrôler leur fraîcheur un à un. Laissez prendre le blanc et en inclinant le récipient, recueillez avec une cuillère le beurre brûlant et arrosez-en les jaunes. Vous stimulerez ainsi leur cuisson.
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Ne salez que le blanc, sinon le jaune serait inesthétique, piqueté de grains de sel.
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Stoppez dès la coagulation du blanc qui doit rester mollet. Placez votre récipient quelques secondes (et assez près) sous la rampe à infrarouges. En quelques minutes, vous venez de réaliser un chef-d’œuvre :
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L’œuf en miroir
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Parsemez le jaune de poudre de Piment d’Espelette (ou de poivre), faites glisser l’œuf dans l’assiette chaude et consommez avec pain frais, si possible aux graines telles que sésame ou pavot.
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Un cidre du pays basque se révèle être du meilleur goût, surtout si vous avez pris soin de faire frire une tranche de jambon de Bayonne ou de ce qu’on appelle là-bas de la «ventrêche».
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Mollet
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Voulez-vous vous offrir à la saison du pissenlit, un extraordinaire repas gastronomique doublé d’une non moins extraordinaire charge de vitamines et de principes souverains ?
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Préparez en salade votre pissenlit des champs et vos croûtons de pain frottés à l’ail.
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Cuisez l’œuf du Père Tourroy comme indiqué pour l’œuf coque, mais rajoutez un nouveau tour de sablier : 6 à 7 minutes, pas plus. Ecalez votre œuf et fragmentez-le encore tiède dans la salade. A la belle saison des tomates (les vraies, les sans coton), préparez-vous une salade joyeuse, incorporez du thon albacore ou thon blanc espagnol «Atun blanco del Norte».
Si vous trouvez la marque Ortiz, vous aurez du sublime. Mais vous pouvez aussi utiliser des conserves familiales du marché (en pot de verre).
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En omelette
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Tout dépend de votre culture. Il y a sans doute autant d’omelettes que de bassins de vie, avec leurs variantes saisonnières. Les Basques ne jurent que par la pipérade, les Alsaciens par l’omelette au jambon, les Gascons (au sens le plus large de Gascogne), par l’omelette aux cèpes, les savoyards par celle aux girolles ou aux morilles.
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Toutes sont délicieuses, mais au préalable réglons un compte : Les touristes en goguette au Mont Saint-Michel qui se sont fait attraper (le mot est faible) par qui vous savez, avec une omelette cinéma, pipeau, grand tralala de la Mère Fouettard, me comprendront. C'était en 95, au siècle dernier.
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La Mère Fouettard fouettant, par Latour
- Oh my God! Un piège à Anglais ! (qui ne savent plus ce qu'est un oeuf)
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Poule de style et de souche Père Tourroy.
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Il n’est de bonne omelette que celle qui est franche, marchande et loyale. Surtout pas transformée sur assiette en crêpe bretonne pour un écu en or. Certes, il faut payer les batteurs de cirque dans leurs habits de scène qui vous jouent un concert de percussions d’une bêtise (mot faible encore) à pleurer. Mais cette restauration-là n’est pas la restauration française.
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A l’inverse, glorifions les deux mémés qui tenaient auberge dans la montagne aveyronnaise. Levant les bras au ciel devant une arrivée inopinée de clients affamés, elles ont proposé une omelette en s’excusant du peu.
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Car pour suivre, il n’y avait que des truites (pêchées par le petit-fils), du Cantal de Salers et des poires confites, quelque chose comme ça. Et puis il n’y avait que du cahors à boire. C’est dire la dèche noire, car pour l’apéro (Suze pour tout le monde) en attendant la mise en place, il n’y avait que de la saucisse sèche.
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Les batteuses de cette omelette méritent un monument, en compensation symbolique de la retraite qu’elles n’ont sans doute pas eue. Glorifions aussi cet aubergiste établi sur les pentes du Puy de Dôme qui servit, il y a bien longtemps, une omelette aux mousserons à deux marcheurs transis par le froid et qui, pour les faire patienter, les régala d’un grand bol de soupe.
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Gloire à l'Auvergnat, à sa mémoire et à sa cheminée d’enfer qui permit de sécher les égarés trempés jusqu’à l’os. Il faudrait en toucher deux mots à Brassens.
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Ceci dit, choisissons donc ici la plus simple des omelettes, celle du Père Tourroy. Elle nécessite aucun diplôme de chef, mais un bon produit de base, plus des herbes fraîches et au choix : cerfeuil, ciboulette, estragon. Mais pas toutes en même temps. Ou bien l’une, ou bien l’autre, car à trop en mettre, on vire à la cacophonie.
Il vous faut une poêle de qualité, une belle noix de beurre clarifié (voir ci-dessus) le meilleur rond du gaz, la bouteille de vinaigre de cidre à portée de main. Saladier et fouet prêts, herbes hachées.
Au tour des œufs maintenant que vous cassez un à un dans une tasse pour vérifier encore la loyauté du produit (prenez-en l’habitude, surtout avec des œufs d’occasion).
Versez chaque oeuf vérifié dans le saladier. Fouettez un peu. Salez, n’oubliez pas et goûtez au doigt. Une omelette non salée est infecte ! Et ce n’est pas facile de rectifier dans l’assiette ! Une fois salée à point, fouettez-là de nouveau, mais pas jusqu’au sang ! Il suffit qu’elle soit mousseuse et homogène.
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Certains l’aiment à peine battue.
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Une pincée de Piment d’Espelette.
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Chauffez le beurre en le surveillant attentivement. Attention surtout si ça fume ! Vous pouvez recommencer ! Le beurre donc, doit être bien liquide.
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Versez les œufs d’un coup et inclinez la poêle dans tous les sens afin de répartir le liquide. En quelques secondes, ça prend. Réduisez le feu puis au dernier moment, remettez-le à plein régime. Ce coup de feu final (10 sec.) va vous permettre de rouler l’omelette que vous allez faire glisser sans attendre dans un plat. Quelques gouttes de vinaigre en pluie sur la bête et elle est prête à être consommée à côté d’une bonne salade croquante bien assaisonnée.
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Pipérade intense aux oeufs du Père Tourroy.
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A vous de régler le temps de cuisson, suivant que vous l’aimez baveuse ou à point. Ceci dit, l’omelette aux œufs Père Tourroy souffre le baveux.
Le cidre basque Txopinondo est vivement recommandé, même si vous n’avez pas fait fondre des piments de Piquillos au préalable dans la poêle. Chacun son truc : lardons, piments, champignons, patates...
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Régalez-vous! De pain, d'amour et d'oeufs frais !
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Le 12 Février 2.010 ,je découvre ce site et
je crois savoir qui étaient les égarés dans
le Massif Central.Perdus dans le brouillard
ils ont eu de la chance de revenir indemnes.
L'oeuf,avec du piment d'Espelette je vais
quand méme l'essayer en souvenir de toi,
mon petit frère .
Quiquine .
Rédigé par : Jacqueline Paulus Petit | 12/02/2010 à 21:40
Hé bien, c'est qu'il faut savoir l'art d'attendre pour se délécter, en salivant et en lisant, de ta peinture pour la bouche et les sens en général... (trois semaines?) Tu m'as fait faire un joli détour rien qu'en allant chercher les oeufs et en les accomodant. Salut à toi Jean Claude!
Rédigé par : ana assunção | 13/08/2005 à 16:40