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Cão (prononcer Caen), c'est le chien en portugais. Le titre était tentant et je suis tombé dans le piège du calembour facile. Mais les tripes dont il s'agit n'ont rien à voir avec la capitale du Calvados où j'ai usé mes fesses six mois durant sur les bancs du magnifique Lycée Malherbe, dans le cadre de l'Abbaye aux Hommes.
Rien à voir non plus avec le chien, cão...
En réalité, ce sont des tripes à la Mode Amoy. Amoy était un Normand qui avait la bougeotte et qui a fini par reprendre racine en Alentejo où il vient d'inventer sa recette baptisée:
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Tripes à la Mode Amoy
Vous la connaissez ? Non ?
J’explique.
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Tranchage patient en dés allongés, à l'aide de l'énorme couteau-qui-tue des films d'horreur du temps du muet. Le tout en chantant La Petite Huguette.
Venu chez le boucher d'Alcacer do Sal acheter une entrecôte, Amoy a craqué pour un tas de tripes fraîches d’une blancheur exquise, que la replète et accorte bouchère venait de déposer dans la vitrine qui protège la viande des chiens errants.
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Feuillet à gauche et bonnet à droite. Très chic pour le bain.
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Il y avait tout l'attirail stomacal du ruminant comme on l'apprenait à l'école : bonnet, caillette, feuillet, panse. Et puis pendant qu'il y était, Amoy a raflé une queue de bœuf pour plus tard, des fois qu'il manque de denrées, vu la crise du poulet aviaire. Et puis il ne fait plus si chaud sous le 38e parallèle. L’organisme réclame du manger moins riche en eau.
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Saviez-vous que les vaches de pré-salé ruminaient parfois des poulpes?
Amoy vous l'apprend.
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Amoy a fait un survol des recettes et ça l’a ennuyé. La mode de Caen, bien sûr, tenait la tête d’affiche. Mais il n'y avait plus de cidre au cellier, encore moins de calva sous le 38e parallèle. Alors, il a improvisé en rassemblant ses intuitions les plus variées en une seule certitude :
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Ingédients, épices & denrées
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Oignons (un gros de chez JP d'Olhar Feliz)
Carottes (une brouettée de jeunes d'un beau jaune pâle avec leurs fanes du jardin de la voisine)
Un poireau (Un Monstrueux de Carentan)
Un pied de veau (on dit mão de vitela, une main de veau chez les Portugais. Ne riez pas. Nous, Français, on dit bien je reprendais volontiers deux doigts de porto, alors?)
Vin blanc (Casa Ermelinda. Terras de Pô)
Bouquet garni (thym frais de JP)
Clou de girofle (du quincaillier)
Sel, poivre (plutôt piment d’Espelette, car c'est un must)
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Amoy a tout mélangé sans se soucier du reste, mouillant à hauteur.
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Il a fait cuire l'ensemble 6h dans une cocotte en fonte (Le Creuset rouge feu), à couvert et à four modéré, voire à feu doux dans les dernières heures.
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Amoy a goûté. C’était dégueulasse.
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Trop fort en vin, acide, raide.
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Alors, il s'est souvenu des coulis de tomates qu'il avait préparés avec amour en août (encore des tomates de JP) et qu'il avait congelés sous forme de pavés. Il a fait fondre un pavé qu'il a jeté dans la mare. Il y a rajouté une lampée de Vieille Prune Brana qui lui restait au temps où il était Basque (Une hérésie, mais bon…).
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Encore 4h, ce qui nous y faisait 10h en tout. Pendant tout ce temps, Amoy s'est adonné à ses diverses passions et notamment, l'écoute de la pluie.
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Il a re-goûté et c’était merveilleux.
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Le persil géant d'Italie ciselé s'imposait en finale.
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C'était onctueux, tendre, fondant. Il a servi avec des petites pommes nouvelles à peau de bébé, cuites à l’eau, sans sel.
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Oh là là, mes aïeux !
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Dégustation religieuse avec un bon blanc du cru qui transpire. Mais il fallait terminer en beauté, car les sucs délicieux de la tripe Amoy ont tendance à persister au palais. Et il eût été dommage de les éradiquer déjà au dentifrice bifluoré.
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C'est pourquoi en dessert, Amoy a choisi une bonne banane courtaude, râblée, juteuse et sucrée de Madeira qu'il a accompagnée de sultanes et d’un pruneau (hélas pas à jeun). Car une banane ne se mange jamais seule. N'est-ce pas JP?
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Amoy est sorti de table repu, mais léger, car il n’y avait pas une once de gras ni de denrées chimiques dans sa pitance. Il avait inventé les Tripes à la Mode Amoy comme il aurait inventé l'eau chaude.
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Amoy a fait des réserves...
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Une barquette à ras bord pour après-demain, se Deus quiser...
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...des photos aussi
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Profitant d'une rare éclaicie, Amoy a mis ses tripes au soleil, juste pour montrer qu'elles avaient de la tenue à froid. Belle tranche nette, solide qui va fondre comme neige dans la casserole.
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Le grain de sel d'Amoy
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Avis à la génération chipoti, chipota j’aime pas les abats, tripe, foie, rognon, gésier, sang, boudin, andouillette, langue & Cie. Vous ne savez pas ce que vous dites, mais Dieu qui est cependant gourmet vous pardonne car il est bon. Il vous recommande les tripes à la Mode Amoy, très bon marché, sauf le gaz, ceci compensant cela.
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Je suis d'origine portugaise, passionnée par la cuisine je cherchais une recette de tripes à mode de Porto (mon mari est tripeiro) et voilà que je tombe sur les tripes à moi d'un alentejano
:)
morte de rire
Rédigé par : Marilisa | 01/02/2007 à 21:20
D'origine normande je vis à Tahiti,et j'aime
les abats et la cuisine "spontanée" à "rattraper", par la suite!
La recette est nulle mais le résultat est superbe. "Si je faisais mieux,ou pire???
Merci pour cette page d'amour et d'humour
culinaire, qui donne faim sans fin!
Doit persévérer dans ses fourneaux.
Al+
Rédigé par : GALL Alain "Amateur d'abats sans, Ha bas!" | 11/07/2006 à 10:46
Me rev'là juste pour te dire que j'ai aussi aimé ça réchauffé ! Et oui, ça se lit et se relit avec un plaisir redoublé.
Encore merci, mon capitaine ! Et longue vie à tes tripes (tes tripes Atoy ou "Atoué" avec l'accent vieille-France).
Rédigé par : Phil | 16/11/2005 à 03:42
A voir l'un des ingrédients (aux faux airs de placenta flacide) ça commence mal, mais "ça" finit bien ! Le lyonnais que j'étais et le niçois que je suis devenu en mangerait bien...
Rédigé par : Phil | 05/11/2005 à 17:18
Á moi, il me semble que caen dieu gourmet et bon (pléonasme!)me pardonnera de ne pas aimer les "chipoti-chipota", il me fera quand même copier cent fois les recettes d'Amoy car il faut dire qu'il n'y en a pas deux comme toi pour les habiller comme ça!
(reste la banane tralálá)
Bisoux
Rédigé par : ana assunção | 03/11/2005 à 22:23
j'ai adoré ta façon d'écrire la recette
Rédigé par : patricia | 03/11/2005 à 09:44
J'aime bien les manger... Mais alors, les préparer moi-même, impossible! Insurmontable!
Rédigé par : Elvira | 02/11/2005 à 12:12