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Faneca, mais qu'est-ce (à poisson)?
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C'est un tacaud commun, le trisopterus luscus, un poisson très délicat qui ne se consomme que très frais. Les pêcheurs disent "dans les six heures qui suivent la capture". Nous ce fut dans les douze heures, mais tant que l'oeil est net et que la tripe sent bon...
Sa chair s'apparente à celle du merlan. Très bon marché: 3 euros le kilo. Au Portugal, on les appelle fanecas.
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C'est le genre de petit poisson dont je raffole en friture. Ceux-là mesuraient 15 à 18 cm.
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Friture, oui, mais friture fine !
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Je n'aime pas trop la friture de poissons farinés jetés dans l'huile à frites. Je préfère de loin frire au beurre clarifié (séparé de la caséine par chauffage au bain-marie, puis réfrigération).
Friture à court mouillement, ça va de soi.
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Beurre clarifié et huile d'olive: assez, mais pas trop.
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J'y ajoute une quantité presque égale d'huile d'olive. Le mélange supporte une bonne chaleur qu'il va falloir conduire avec doigté.
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Processus
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Allez, zou, au saloir ! Une bonne poignée de gros sel de mer iodé, celui qui vous permet de traverser Tchernobyl en toute quiétude. Enfin...mieux armé qu'à Genève.
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On sale au gros sel à la manière classique des gens qui fréquentent la mer. Et pendant le salage, on vaque. On met en place ses ustensiles et ingrédients. Tablier de rigueur. Lunettes pour se protéger des éclats.
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Coriandre fraîche...
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...et têtes d'ail dégermées et émincées
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Les germes d'ail seraient responsables, dit-on, d'exhalaisons à retardement non désirées, surtout à l'heure du déduit.
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Ôtons ce sel qu'on ne saurait voir
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Car je vois déjà vos mines pincées dès que je parle de poignées de gros sel. Rassurez vos artères!
A l'aide d'un papier absorbant, on ôte les grains de sel, on assèche un peu les poissons. Et on y va.
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C'est parti !
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Un feu fort, mais pas trop. On testera le grésillement avec un premier poisson "sacrifié": le plus petit et le moins beau.
On va conduire le feu au pif en inclinant souvent la poële dans tous les sens, afin de bien répartir la chaleur. Les poissons doivent dorer et croustiller des nageoires, du moins ce qu'il en reste, car ma poissonnière a pris soin d'ébarber tout ce qui dépasse.
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C'est déjà prêt
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On réduit le feu au minimum. On retire un à un les poissons que l'on va réserver sur un plat chaud et par exemple, posé sur la casserole dans laquelle les pommes de terre finissent de bouillir.
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On jette l'ail dans le reste de friture juqu'à ce qu'il blondisse tout juste et se boursoufle un peu. Et là, bonne giclée de vinaigre de cidre pour pincer le gras. Un bruit d'enfer! Un poil de réduction à feu très moyen et hop! On verse le liquide et l'ail brûlants sur les poissons.
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Frères humains, humons!
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On parsème de coriandre ciselée et on hume, du verbe humer.
Si vous n'avez jamais humé de la coriandre fraîche titillée par de la chaleur sous-jacente, c'est le moment de vous y mettre enfin. La coriandre est le "persil des Arabes". En Alentejo, on ne jure que par elle. Os coentros, curieusement masculins et pluriels.
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A table!
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Ce sera tout simple. Du bon pain, du vrai, qui a été pétri, sapide, aéré, élastique, qui soit un aliment en soi et non un simple pousse-bouchée ou pompe-sauce.
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Une grosse pomme de terre. Ou plein de petites. On peut leur préférer un riz.
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Visez-moi cette belle amande d'ail blondi, ce jus clair (beurre clarifié + huile d'olive + vinaigre de cidre)
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Un bon verre de blanc (deux?), à moins qu'il vous reste une bouteille de sagarno de Txopinondo, ce qui ne court pas les rues sous le 38e parallèle.
- Dominic Lagadec d'Urrugne et d'Ascain (64), prépare déjà les cartons de sagarno, d'ozpina de txopito et de patxaka, j'arrive!
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Je dis sagarno, car Dominic m'a interdit de prononcer le mot cidre. On dira "vin de pomme", comme on dit vin de palme. Dont acte.
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J'ai bien dîné, j'ai bien bu et j'ai la peau du ventre pas tendue du tout. La digestion de ces fanecas en friture fine est très facile. Café Delta pur arabica au bistrot, pour dire "j'ai marché". Gros dodo sur le tard, non sans avoir relu quelques fleurons de Monsieur Cyclopède, de Pierre Desproges. Car s'endormir en riant, c'est bon.
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Miam, simple et tellement bon.
Rédigé par : Joao | 05/12/2005 à 17:09
POurquoi y a t-il si longtemps que je ne suis pas venue faire un tour par ici, c'est toujours aussi bien.
Rédigé par : Mijo | 27/11/2005 à 21:03
la femme du tacaud (Taque) répond immédiatement
Rédigé par : jp | 24/11/2005 à 21:32
Ah, j'adore! Mais les nanas vont peu commenter... Dès que tu écris "frit", tout le monde boude. Alors que tu écris "doré", "sauté" ou des choses du genre, et tout le monde oublie que c'est fait avec de la matière grasse grésillante... ;-)
Rédigé par : Elvira | 24/11/2005 à 16:34