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Encore une improvisation. On n'en sort pas!
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Vu sur l’étal en marbre du marché aux poissons d’Alcácer do Sal, un splendide congre – dit Safio – qui cherchait aventure.
Je dis à ma poissonnière:
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- Olà filha, donne-moi z’en une belle tranche.
- Comme ça ?
- Non, pas comme ça, comme ça : c’est pour faire un congre debout.
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Evidemment, elle n’a pas saisi la contrepétrie, car en portugais, safio de pé, c’est-à-dire congre debout, n’a aucun sens. Tout comme un oranger sur le sol irlandais, un congre debout sur l’étambot, on ne le verra jamais.
Et puis mort, le bougre de congre est mou.
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Vivant, il est terrible, avec la murène sa commère. Il se planque dans les trous, les épaves. Seule la tête, à l'affût, dépasse. Mâchoires et dents en acier chromé au vanadium. Famille des anguilles. Redoutable.
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C’était un très gros congre, 15 cm de section, c’est pourquoi j’ai décidé de le cuisiner « debout », c’est-à-dire posé sur un monticule de bonnes choses, à mouillement nul, afin qu’il mitonne à la vapeur.
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Les bonnes choses :
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Un gros oignon à ciseler fin
Quelques gousses d’ail épluchées
Deux piments doux
Du persil haché
Deux tomates mondées et épépinées
Un dé à coudre de vrai safran
Du piment d’Espelette
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Les bons outils
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Une petite cocotte en acier 18 /10
Une spatule en bois
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L’ordre des choses
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Mettre la tranche de congre à saler au gros sel, une bonne poignée, et pendant ce temps :
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1- Ciseler fin l’oignon, le mettre à suer dans la cocotte à petit feu, jusqu’à transparence. Jeter les gousses d’ail, touiller un peu.
2- Ciseler les piments, fendus, débarrassés de leurs graines et les ajouter aux oignons.
3- Jeter les tomates coupées grossièrement. Et laisser mijoter dix minutes à couvert.
4- Eplucher deux grosses pommes de terre et les couper en rondelles épaisses (5/6 mm).
5- Les faire cuire à moitié, sans sel
6- Disposer les rondelles de pommes de terre sur les tomates. Les parsemer de persil haché. (On pourrait essayer la coriandre, me fait remarquer une voix alentejane).
7- Poser délicatement la tranche de congre debout et finir en la parsemant de brins de safran.
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8- Couvrir et laisser mijoter 20 minutes, sans bouger le couvercle. Le congre va cuire à la vapeur, à basse pression, ce qui va préserver sa chair délicate. Vous remarquerez que pas une molécule d’eau n’a été ajoutée. C’est exprès.
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On dispose alors de tout son temps pour déguster des huîtres du Portugal, avec vinaigre de cidre basque et échalotes grises hachées très fin. L’astringence ainsi créée va préparer la bouche.
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Découverte Au nez, c’est déjà gagné. On prendra soin d’ôter la tranche de congre à l’aide d’une pelle à gâteau, de la poser sur une assiette et de la débiter en portions non congrues. Sur l’assiette de dégustation, on disposera tomates, pommes de terre et jus, puis la portion de congre.
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C’est encore meilleur que promis. C’est même divin. On peut en reprendre. Ainsi que quelques lampées de vin blanc sec. La chair est exquise. Le safran fait merveille. Le plat est complet, nourrissant. La digestion est facile et rapide.
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On recommencera.
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Un conseil d'ami :
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Si vous trouvez du congre, n’achetez que du gros congre et faites débiter au plus près de la tête. Le petit congre est bourré d’arêtes assommantes. Surtout dans la partie caudale. Vous serez prévenu.
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ne redites plus JAMAIS du mal des gentils congres. on ne dit PAS un "bougre de congre", on dit un gentil congre!!!!!
les congres sont gentils
et toi tu es moche!!!!!
Rédigé par : poulpe | 08/06/2008 à 13:03
"Et puis mort, le bougre de congre debout est mou", moi, j'adore !
Parfait pour exercer sa diction, ça.
merci JCP !
Rédigé par : Phil | 05/01/2006 à 03:08
Textuellement, gustativement, fraternellement avec cette belle congrerie!
Rédigé par : lilizen | 04/01/2006 à 13:19
Une cure de poisson JCP ?
Rédigé par : Joao | 19/12/2005 à 11:45
la femme du congre debout est une connegre debi
Rédigé par : jp | 18/12/2005 à 17:11