...ou cuisines du peintre
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Oui, il faut bien que je vous glisse un peu de peinture dans vos casseroles, mais ne vous attendez pas ici à des recettes, plutôt à des suggestions de mes cuisines d'hiver.
Je cuisine tous les jours comme je peins aussi tous les jours. En réalité, je peins bien plus que je ne cuisine. La cuisine est ma plate-forme de décontraction quand j'ai fini (ou marre) de peindre. Cuisine et peinture ne sont donc pas antagonistes, mais complémentaires.
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Langoustines cocktail "Concorde"
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Quand je parviens à marier cuisine et peinture, je suis content. Ici, des langoustines sauce cocktail font bon ménage. Elles réchauffent les bleus intenses d'un ciel de nuit où Concorde plane en silence vers une piste encore lointaine.
Pour les langoustines, je préviens: elles sont surgelées crues (Lidl).
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Je les laisse décongeler une journée à température ambiante de la cuisine. Je prépare un court-bouillon et je les plonge cinq six minutes. Bien laisser refroidir avant de décortiquer. J'en garde trois par convive intactes. Elles feront le décor. Le reste (décortiqué) viendra avec la sauce qui n'est autre qu'une mayonnaise bien ferme additionnée de ketchup (une fois n'est pas coutume) et de quelques gouttes de tabasco.
Dresser dans des coupes sur une belle feuille de salade.
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Pour le Concorde, voyez sa fiche sur Couleur Alentejo et achetez-le pour l'accrocher dans votre salon. S'il vous paraît trop imposant, j'en ai trois autres, plus modestes en taille.
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Tourteau du pêcheur
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"Pescadores" sur la plage de l'Aldeia do Meco (entre Sesimbra et Lisboa). Acrylique JCP sur toile de lin fin 120 x 90 cm. Disponible à la vente. 1500 euros.
La brume de mer n'empêche pas ce groupe de villageois de mettre la lourde barque à l'eau. Ils ne vont pas loin, guère au-delà de 100 mètres après la barre, le temps d'immerger un filet en forme de poche qui va être ensuite hissé à la force de l'homme: une chaîne d'une vingtaine de costauds. Le produit de cette pêche est aléatoire. Il est réparti entre les participants. No money, but good fish.
Les goélands, en masse tournoyante hitchcockienne, finiront le festin.
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Tourteau en entrée
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Tourteau du pêcheur...Là, je dois avouer que je ne suis plus compétent. C'est Lili qui officie. Je préfère peindre pendant la préparation. Mais je préviens, je ne donnerai pas ma place pour la dégustation.
Préparer un tourteau est un travail d'artiste et d'artisan.
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Le peintre fait les courses, en principe, muni d'une liste pour amnésique qu'il oublie toujours d'emporter au dernier moment.
On lui a bien recommandé de choisir un tourteau femelle (?) bien plein, c'est-à-dire uma zapateira bem cheia et viva. Il ne peut que s'en remettre à la compétence de la poissonnière.
Là commence le travail d'artiste. Anesthésie de la zapateira au vinaigre. Le tourteau s'endort, mais reste vivant. J'ai toujours eu horreur des homards et langoustes plongés vifs dans la nage bouillante et fouettant le chaudron dans un ultime et vain effort si on n'a pas pris le soin de les ligoter serré.
Eau, sel, ébullition, 10/15 minutes de cuisson.
L'artisanat ensuite: maillet nylon, cuillères, brochettes à déloger, fourchettes à escargots (bifide). On démembre et on fend juste ce qu'il faut, pinces, pattes. On ouvre le coffre avec précautions. On décoffre, on jette les branchies et on garde précieusement tout ce qui reste, surtout le corail (oeufs) qu'on réserve.
La poissonnière n'avait pas menti. C'est un vrai récif de corail!
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On prend soin de ne rien perdre, car en définitive, manger un tourteau occupe une heure, mais on ne se remplit pas pour autant.
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La farce est le travail d'artiste proprement dit. On mixe fin le corail, le reste et quelque débris de chair succulente. On y ajoute, mie de pain trempée dans un demi-verre de bière blonde et le tour est joué. Une mayonnaise est inutile dans ce cas simple. On l'a voulu ainsi. Les saveurs de la mer sont brutes de décoffrage.
Un Petit-Chablis vous dirait-il quelque chose avec ça ?
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A l'attaque! On va bien y passer une heure à se goinfrer de peu, à sucer, à aspirer à suçoter, à extraire, à dénicher, à jouer avec les pinces, à se rincer les doigts. Digestibilité assurée.
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On en revient toujours aux pinceaux et à la palette. C'est tout en couleur, y compris la farce qui remplit le coffre.
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Gâteau de foies blonds de volaille
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L'artiste, en l'occurrence, c'est Michel Guérard, mon dieu Lare. Ma cuisine Minceur, son livre, est ma bible gourmande. La recette du Gâteau de foies blonds fonctionne bien. Je n'en suis pas à mon premier essai, mais d'essais en ratages, j'y arrive honorablement.
Précaution importante:
Examiner chaque foie, car dans le lot, il peut y avoir un mouton noir, un foie granuleux (poubelle) ou pas débarrassé de sa vésicule biliaire. Un fiel, même petit, vous gâcherait tout un régiment.
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La recette est assez simple. On rassemble sous la main deux ou trois oeufs entiers, du persil et les foies. Le tout dans un saladier et on mixe fin. Sel (ne pas lésiner), poivre. On obtient une pâte liquide.
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Beurrer généreusement des ramequins. Les foies vont cuire au bain-marie bouillant, dans le four préchauffé à 200°, pendant 15 minutes.
Moi, je triche, car je voulais m'en faire une réserve. J'ai cuit dans des ramequins, mais aussi dans un plus grand moule. Il faut compter 15 minutes de plus au four dans ce cas.
Au moment de servir, napper les ramequins de coulis de tomates.
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Coulis d'été en hiver
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Mon coulis existait. C'était un coulis d'été que j'avais congelé. Parce qu'en janvier, les tomates...Il n'est pas encore né le producteur qui réussira en serre à nous servir des tomates de l'Epiphanie succulentes. Merci le congélateur. Le coulis a été récupéré dans sa splendeur originelle par décongélation lente, une demi-journée sur la table.
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Le résultat attendu: c'est moelleux, mousseux, fondant. Ne lésinez pas sur le sel.
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Les rognons de veau frais sautés,
épinards, purée
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Plus épinard que ce Tiger Moth aux couleurs de la Força Aérea Portuguesa, en vol bas sur la forêt de Buçaco, il n'y a pas. Acrylique sur toile de lin fin JCP 100 x 81 cm. Disponible. 900 euros et port offert.
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Méthode
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Avoir dans sa manche un boucher qui vous réserve systématiquement des rognons de veau quand il y en a. Moi, c'est O Zé (l'gars José) qui me fournit. Il n'y en a pas tous les jours. Parfois, c'est une langue. D'autres fois des rognons.
S'il fait signe qu'il y en a, acheter des épinards frais et s'assurer qu'on a en stock de bonnes pommes de terre, de beurre doux (pour le clarifier), de jeunes carottes, des echalotes et de la crème fraîche.
Dénerver les rognons, les débarrasser de leurs tuyauteries et de leur graisse soigneusement. Un couteau très effilé est recommandé. Tronçonner en morceaux n'excédant pas 2,5 cm dans leur plus grande dimension.
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Mettre en route les pommes de terre et les carottes pour la purée.
Prendre une bonne poêle antiadhésive en bon état. Faire fondre du beurre clarifié bien chaud (attention à la conduite du feu!) additionné d'un filet d'huile d'olive et dorer les rognons sens dessus dessous.
Attention, ça gicle et ça pète parfois: gras + eau = explosions. Porter des lunettes. Je dis ça pour ceux qui adorent avoir le nez dans ce qu'ils font, afin d'en récolter tous les arômes et surtout d'exercer un contrôle actif sur l'alchimie. Notre nez est un radar.
Tester. Ils doivent rester un peu roses à coeur. Réserver dans une cocotte, saler, poivrer.
Faire suer dans la poêle une ou deux échalotes finement émincées sans colorer trop.
Récupérer les sucs de cuisson. Pour ce faire, verser sur les échalotes blondies, un demi-verre de fond de sauce de veau, décoller les sucs avec une spatule, attendre un léger épaississement tout en remuant. Un coup de feu final sur une giclée de cognac.
Verser le tout dans la cocotte. Poursuivre la cuisson à feu doux cinq minutes, le temps que les ingrédients se mélangent et verser la crème. Eteindre le feu, remuer, couvrir, c'est prêt. Il aura suffi de dix minutes.
Reprendre la poêle qui a servi à sauter. Y jeter les épinards, d'abord à feu nourri, puis en lousdé. Remuer sens dessus dessous, tout le temps. Et ça fond comme du beurre, sans addition de gras. Saler en fin de cuisson. Réserver au chaud.
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Au tour de la purée. Garder un bol d'eau de cuisson pour affiner l'onctuosité. Ecraser à la fourchette. Je ne veux voir personne mixer la purée au mixer, ça fait une émulsion désagréable. Alors qu'une purée tournée à la fourchette, c'est divin. Hors feu, finir l'onctuosité à la crème ou à l'huile d'olive très douce.
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C'est prêt. C'est coloré, ça sent bon, surtout avec le persil et c'est délicieux. Avec ça, si vous avez encore faim, allez vous faire cuire un hamburger chez Mac Chose avec plein de frites et du ketchup.
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Chic, les jours rallongent !
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Ils rallongent et se font plus doux. La preuve, je peux re-peindre dehors, témoin ce Stampe F-BDNF, le second de la série, dans un décor de feu automnal, compatible avec rognons sautés.
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SV4 Stampe F-BDNF, acrylique JCP sur toile de lin fin contrecollée sur bois. Disponible à la vente, 500 euros.
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F-BDNF appartient à un groupe de propriétaires. On peut en avoir des nouvelles sur Le Vieux Biplan.
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ce soir je teste ta recette car light par rapport à toutes celles qui trainent sur les blogs
le coulis ce sera coulis de poivrons
Rédigé par : Marie | 05/02/2008 à 18:52
Ce blog vole haut, comme toujours! J'adore la photo du cul de bouteille, parfaite.
Rédigé par : Gracianne | 16/01/2007 à 12:30
En ces temps de promo traditionnelle sur le blanc (pas le vin, on l'aura compris) le calme plat règnant sur mes deux blogs favoris (devine lesquels) m'était devenu pénible. Merci donc d'y avoir mis fin, de si belle et si généreuse façon. Il ne manque plus que le gars JP et je serai comblé/feliz.
Langoustines, tourteau/santola/sapateira, gâteau de foies blonds, rognons sautés, Concorde : ça c'est de la 1ère classe en traîtement top V.I.P. ! Merci mon commandant.
Rédigé par : Phil' | 15/01/2007 à 20:50
superbe ce tourteau! Je crois que le corail est même le meilleur!
Rédigé par : Mayacook | 15/01/2007 à 07:47