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Dans le cadre de l'initiative de La Tasca de Elvira
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Le Poisson du Pauvre
ou festins indigènes, bon marché
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J'insiste sur le mot indigène qui n'a rien à voir avec le sens dans lequel Hergé l'employait dans Tintin. Indigène, veut dire du lieu. D'autres, plus lettrés que moi, disent "vernaculaire". J'en viens aux faits:
Je suis las de voir fleurir des produits qui consomment des tonnes de pétrole pour atterrir dans notre assiette. Vous voulez des asperges du Pérou? Mais allez donc déguster des asperges au Pérou! Vous voulez des pommes Fuji de Chine? Mais allez donc en Chine!
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Cela me rappelle une colère de Jean-Pierre Coffe auquel un journaliste benêt demandait:
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- Que pensez-vous de la viande de kangourou?
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La réponse du grand cabot se fit attendre. Il y eut un silence, pesant, des grommellements. Et le maître, commençant a mezzo voce, dents serrées, mais finissant crescendo jusqu'à forte, dit en substance:
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- On a chez nous des races de viande impeccables. Des Bazas, des Blondes d'Aquitaine, des agneaux de Sisteron, de Pauillac, des poulets de Bresse, mais qu'est-ce qu'on vient nous emmeeeerder avec la viande de kangourou d'Australie ? Tout de même!!!
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En Alentejo, tout pousse, tout croît, pour peu qu'on s'en donne la peine. Et il ya des blondes d'Aquitaine.
Revenons au poisson du pauvre. Il est pêché à proximité.
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Ne ricanez pas, il existe encore des poissons du pauvre bien délicieux et zut au fugu japonais qui vaut la peau du chose que vous savez, rien que pour se faire peur quand on a 80 000 yens à balancer dans l'assiette. D'ailleurs, c'est rarement le pékin qui balance. C'est l'entreprise du pékin d'Osaka qui raque. C'est autant que le fisc et les actionnaires ne ramassent pas.
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Assiette de Fugu à 80 000 Yens, à consommer avec suspicion, car si la bête n'est pas préparée dans les règles de l'art, elle peut être foudroyante. D'où son prix attractif pour qui craint le Hara Kiri, suicide d'honneur bête et méchant.
La tétrodotoxine est une molécule située dans les ovaires, les gonades, les intestins et le foie de ce poisson. Elle est capable de tuer irrémédiablement, paralysant d'abord le consommateur et ne lui laissant que sa conscience pendant quelques heures pour qu'il puisse jouir de son agonie.
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Moi, indigène,
y en a préférer tacaud,
si Sahib !
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J'ai balancé 322 yens, soit 2 euros dans deux tacauds extra-frais, alias fanecas en portugais.
Et ce fut un festin. Aucun risque de tourner zombi.
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Ô tempora, ô mores!
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Nombre de denrées, dites du pauvre, ont changé de camp, la morue (la bonne, pas la riquiqui rousseâtre), les poissons de roche, la fleur de sel (qui était à l'origine le pourboire du râcleur).
Il reste le tacaud, poisson fin, très fin, mal connu, proche du merlan en saveur, mais à mon goût bien meilleur. Les pêcheurs avaient l'habitude de le vider aussitôt pêché et de le rapporter à la maison. Car le tacaud est fragile. Il pourrit par la tripe et non par la tête comme l'affirme un proverbe chinois issu des Cent Fleurs et s'appliquant aux cliques impérialistes et leurs valets fantoches aux temps où le Grand Timonier Mao Tsé Tung était encore une icône. Poil à la Chine.
Le tacaud contient pratiquement zéro graisse. C'est un poisson de malade, mais un très fin poisson. Dommage que les convalescents ne soient pas en condition d'apprécier davantage le tacaud que la soupe aux légumes (sans sel) hospitalière. Je n'en ai jamais goûté, mais j'ai senti et ça m'a suffi. Mélangée aux relents de l'eau de Dakin, c'est une odeur immonde.
La tacaud frais contiendrait plus de protéines que la viande. Il se digère en 45 minutes, ce qui n'est pas le cas du saumon qui se rote de façon abominable pendant des heures...Pardon pour l'image. Mais roter du saumon grillé est insupportable en société.
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D'où ce festin...
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