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Ou fantaisie dînatoire en sol majeur
pour bêtes à cornes et tube cathodique
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Le plateau télé du dimanche soir n'entre pas dans la liste de mes tares. Je suis une sorte d'attardé mental qui ne regarde guère la télévision et lui préfère, ô combien de loin, une cantate de Bach dirigée par Philippe Herreweghe ou une sonate pour arpeggione et piano de Schubert, jouée par Rostropovitch. On ne se refait pas, fût-ce sous l'irrésistible influence de Fort Boyard.
Allez savoir pourquoi, cette fois, je me suis laissé distraire de ma sacro-sainte cuisine, consommée bien droit sur sa chaise, vêtu d'un minimum décent ?
La réponse coule de source. Il y avait tourada, corrida à la portugaise, avec cavaliers, chevaux d'une grâce infinie et pega, prise de taureau par les cornes. JP en parlait très bien sur Alquimista, voilà quelque temps.
Circonstance tout aussi déterminante, il y avait caracois, escargots tout chauds au menu.
Va pour un plateau télé au son de la trompette ibérique.
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Illustration JCP
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Installation comme il se doit sur le canapé, mise en place du festin sur une table basse, bière, tout pour sortir des sentiers battus. Très inconfortable, mais bon...Que ne ferais-je pas pour une ventrée de ces petits caracois cuits dans un bouillon d'ail et d'origan ?
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Le caracol aime l'origan. Il vit généralement sur l'origan. Il s'en gave. Et comme l'été donne quelques signes d'humidité, le caracol caracole. On en sert dans tous les bistrots comme on sert ailleurs des bigorneaux avec un coup de Muscadet sur lie ou un Gros-Plant.
Ici, c'est bière. Chez nous aussi, ce sera bière, mais pas n'importe laquelle, de la Tagus pur malt versée dans un joli verre en cristal lourd. Je suis resté snob, même sur plateau télé.
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Et au lieu de suçoter la majorité de mes escargots, je les extrais à l'aide d'un palito et les dépose sur un lit fin de bon pain beurré au beurre Milhafre dos Açores. Quand je juge le canapé garni, j'engloutis comme un ogre les divins caracois. Attention, mon snobisme a des limites. Je suçote aussi ! Je suçote les plus petits, ceux qui n'ont pas eu le temps de montrer leurs méchantes cornes.
Et le chaudron magique se vide à mesure que le récipient poubelle se remplit de coquilles vides ocellées, zébrées, belles encore.
L'ennui avec la cérémonie des caracois, ponctuée de gorgées de Tagus et parfois de bruits oesophagiques incongrus pas toujours maîtrisables (signe de félicité, paraît-il...), l'ennui c'est que suivre de près la corrida devient un sacerdoce.
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Mais mes petites tartines sont si délicieuses!
Toutefois, j'ai suivi avec attention une pega qui aurait pu mal tourner. La pega est une prise à bras raccourcis des cornes du taureau. Celui qui prend le taureau par les cornes est un vaillant forcado. Il va au devant du taureau, lui lance défi sur défi, le provoque jusqu'à ce qu'il se décide à envoyer valdinguer ce gringalet qui ose sous-estimer la force résiduelle d'un macho de cinq cents kilos.
Le taureau alors décide de l'empêguer. Choc frontal. Le forcado saisit le garrot et aveugle la bête pleine de rage qui aimerait lancer l'homme et l'embrocher comme un cube d'agneau sur une brochette garnie. C'est alors qu'intervient la troupe qui freine, freine des quatre fers, détruit l'énergie cinétique qu'elle ramène au voisinage de zéro. Reste à contenir l'animal dans ce qui lui reste de vindicte en le saisissant par la queue et en lui donnant le tournis.
Cela, quand tout se passe bien.
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Là, c'était compliqué. D'abord, le taureau refusait l'affrontement. A coups de regards à droite et à gauche, il semblait demander l'aval du public.
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- J'en fais une bouchée ou je me tiens coi? Dites-moi !
- Attaque, bouge, fainéant !
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Et comme le public vociférait, le taureau s'est décidé à foncer sur le forcado qui s'était dangereusement rapproché de lui et de ce fait, éloigné de la troupe.
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Et vlan! Il en a fait une bouchée.
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Par quatre fois ils s'y sont repris. A chaque affrontement, des coups, des larmes et du sang.
Brave taureau! Mais durs les pains dans la gueule, dans le buffet, dans les joyeuses. Les forcados ont fini par en avoir raison. Un tel taureau devrait être sanctifié, soigné, mis à la retraite des Anciens Combattants et affecté dans un herbage gras rempli de jeunes génisses girondes, élégantes de dos, de jambons, de robe, d'attaches et de pis.
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Pour en revenir aux escargots, je dirais que le caracol n'a rien à voir avec le gros charnu de Bourgogne, mais qu'on peut le consommer sans modération avec ou sans télé.
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Escargot de Bourgogne à grandes cornes
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Caracol alentejano à petites cornes
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Document: tourada portuguesa, décrite par JP sur le site Alquimista. Il y parle notamment de la splendide cavaleira Sonia Matias que nous avons revue hier, éblouissante d'élégance.
Voir aussi le site photo de Francisco Romeiras. Bel album de toromaquia portuguesa.
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Sonia Matias vue par Francisco Romeiras
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Bonnes vacances, com cuidado !
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Il m'a bien fait rire ton parallèle de bêtes à cornes, en fait tu prépares les escargots comme en Provence "à la suçarelle"!
Rédigé par : Patrick CdM | 20/08/2007 à 14:20
Ah là là JCP! Les grands esprits se rencontrent. J'ai trouvé, la semaine dernière, dans le rayon des surgelés (non! ne crie pas!) un joli panier en bois rempli d'escargots FRANÇAIS à l'ail. Je ne mange presque plus de caracois com alho car tout ce que nous arrivons à trouver ce sont des machins trucs issus d'Indonésie ou du Viet-Nam. Je refuse! Mais ceux-là arrivaient de Strasbourg! J'ai mangé, à moi seule, 18 escargots dans leurs coquilles avec un bout de baguette bien croustillante. LE PARADIS! Quant à la tauromachie, j'ai vu le dieu Paquiri à Pampelune... un véritable ballet lorsqu'il se hissait sur les cornes du taureau et rebondissait par-dessus la tête de l'animal... cela lui a valu les deux oreilles et la queue. Cette joute fut suivie par une autre où un illustre inconnu de torréador perdit au profit du taureau qui alla se reposer dans un champ. L'histoire ne dit pas si cette retraite fut peuplée de félicités de toutes sortes. Bref, JAMAIS n'irai-je revoir une corrida! JAMAIS! Mais les escargots, anytime :-D
Rédigé par : gato azul | 25/07/2007 à 04:25
Tagus
très bien la Tagus
As-tu vu les albums de touradas sur le blog Muito Prazer ?
http://olharfeliz.typepad.com/prazer/
Regarde Aljustrel
Rédigé par : jp | 23/07/2007 à 22:37
Chez nous aussi on aime rien tant qu'une bonne "caracolada" à la terrasse d'une petite tasca de campagne et avec une bonne "imperial" fraîche! :-)
Rédigé par : Elvira | 23/07/2007 à 14:46
J'ai adoré ce billet ! Je ne connais pas le caracol mais je ne demande qu'à faire ami-ami, pourvu que ne soit pas sur mes propres herbes aromatiques mais dans mon assiette !
Rédigé par : Tiuscha | 23/07/2007 à 13:16