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Le maquereau, c'est bon et ce n'est pas cher.
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Zéro virgule quelque chose d'euro, cela ne se voit plus guère sur les étals où le poisson flambe, comme le pétrole ou le gaz que Sines gaspille en torchères fumantes sur fond d'azur. Certes,il y a un peu de manutention, car à ce prix de 0,40 euro pour presque un kilo, on ne peut pas décemment demander à Caetana (Caetaninha pour ceux qui connaissent) de les "arranger". En grande dame qu'elle est, elle a cependant posé la question:
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- J'arrange les maquereaux?
- Non, merci beaucoup Caetaninha, je vais m'en occuper...
- Tu es gentil, toi...
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Caetaninha surprise en train d'arranger un poisson de peu de valeur ajoutée, pour une cliente qui a horreur de mettre les mains à la tripe et même à la pâte.
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Sourires de connivence. Je ne l'ai pas entendu me répondre "Voilà un brave", mais son oeil me l'a dit.
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On opère sur le champ
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Or donc, rentré à la maison, j'arrange mes maquereaux. Cuvettes, bons ciseaux, bon couteau, sac plastique à portée de main.
On tient son maquereau fermement (tendance à fuir) et on commence par ébarber tout ce qui est nageoire. C'est de la kératine, aucun intérêt. Au sac. Deux traits d'incision au couteau, en biais, dans la nuque, afin de ne pas perdre tout ce qui s'y loge de bon quand la tête va choir. On tient ensuite son maquereau, toujours fermement, ventre en l'air et on incise aux ciseaux, de l'anus à la pointe du menton, si tant est que le maquereau ait un menton.
Zip !
Avec un doigt, un seul, on élimine la tripaille, on sectionne la tête définitivement et on rince au robinet sous un filet d'eau. Et hop, dans la cuvette de transit. Et d'un! On recommence l'opération autant de fois qu'il y a de maquereaux.
Dans mon cas, c'était six, mais il n'y a pas de règle, aurait pu affirmer péremptoirement Jean Carmet dans une de ses Brèves de Comptoir.
Aux temps bénis où les Deschiens sévissaient sur Canal, Yolande Moreau aurait dit:
- On peut arranger autant de maquereaux qu'on peut, car quand on peut, on veut.
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Et vlan! Une vérité indiscutable.
A mon humble avis de maquereauphile, deux maquereaux de 150g chacun suffisent à nourrir une personne, une fois et à sasiété. Car le maquereau est gras, nourrissant.
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Court bouillon
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Mes maquereaux étant à mi-chemin entre le tout petit, la lisette et le gros, j'ai choisi la cuisson au court-bouillon. S'ils eussent été de grande taille, j'eusse opté pour la braise. C'est fameux. Dans le cas des lisettes, la marinade au vin blanc et citron aurait eu ma préférence. Maquereau moyen, court-bouillon, c'est ma devise. Et je fais mon court-bouillon. Je ne me laisse pas aller à l'emploi des sachets.
De l'eau, du sel, un oignon ciselé, un oignon piqueté (girofle), une carotte en rondelles, un trait de vin blanc, laurier, un bâtonnet de fenouil, persil, ébullition 15 minutes. On plonge les maquereaux (que ça leur plaise ou non) dans cette décoction et on laisse frémir vingt bonnes minutes. Ils s'ouvrent d'eux-mêmes quand ils sont à point et leur désarrêtage devient un jeu d'enfant.
Entre parenthèse, si vous avez une bambine ou un bambin de cinq ans, vous pouvez lui confier cette tâche amusante et éducative. Cela lui apprendra à découvrir qu'il n'y a pas que des poissons parallélépipédiques et couverts de sciure de pain dans la vie.
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Gastronomie comme chez Maman
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En Normandie, on aime bien la crème fraîche. On aime tant que le parler normand diphtongue le mot crème par gourmandise. On prononce "craêêm" et déjà, rien que de l'écrire ainsi, je me lèche les babines, bien que j'aie trahi la civilisation de la crème pour celle de l'huile d'olive. Mais j'ai beau faire, j'ai beau dire, il me revient de temps en temps des envies de Dieppe, de Fécamp, d'Etretat, voire de Saint-Malo et surtout de la cuisine de Maman. Une cuisine pas nécessairement diététiquement correcte au sens Weight Watcher, Light machin chose, mais férocement bonne au sens buccal, papillaire, déglutitionnel comme diraient les gourous de la langue de bois.
Ainsi donc, mes maquereaux étant réduits aux filets et tenus au chaud pendant que les pommes de terre achèvent leur cuisson, je prépare ma sauce à la craêêm en ajoutant deux cuillerées de bouillon, un peu de sel et une pluie de poivre vert. Ne pas faire bouillir. Tenir au bain-marie.
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J'en nappe mes maquereaux, mes pommes de terre et je parsème du persil frais cueilli à la minute au jardin. Vin blanc, of course. Un Muscadet sur lie serait peut-être bien. Un cidre basque, un Txopinondo de chez Dominic (qui est Breton, Normand et Basque), ferait aussi l'affaire. Pourquoi pas?
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Croyez-moi si vous voulez, mais les mâquereaux à la craêêm, c'est bon !
Evidemment, il faut marcher un peu après, aller voir la mer, en prendre plein la poire au lieu de se vautrer dans le canapé comme un crétin, la Zapping Machine au poing. Car maquereau et télévision ne font pas bon ménage.
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Deux jours après, second festin, resucée de maquereaux (le reste qui s'était pris en gelée), oh là là !
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Dommage que tu habites loin, car je serais bien venue m'asseoir à ta table ! quoique à l'heure qu'il est, ils sont déjà digérés ! Bisous
Rédigé par : Josy | 23/01/2008 à 08:22
Je pense que j'aurais vu dans l'oeil de Caetaninha : "Pff, encore une chochotte puisqu'elle me demande d'arranger" !!!
Rédigé par : Mijo | 16/01/2008 à 12:52
joli texte,
tu sais convaincre
j'ai souvenir de maquereaux en meurette... La Bourgogne n'est pas la Normandie
mais le résulta était le même
pas de télé.
Rédigé par : jp | 15/01/2008 à 17:41
Oh, la tête de la matrone poissonnière ! On imagine volontiers ce qu'elle se dit... Encore un instant bien saisi par l'oeil du maître.
Ton bel hommage au mâquereau me conforte dans cette conviction : comme les "carapaus", sardines et autres anchois : ils sont aux poissons chers ce que sont les abâts -- pour peu qu'ils soient de bonne qualité -- par rapport aux morceaux dits "nobles". Étiquettes, étiquettes, vous n'êtes que des miroirs aux alouettes.
En quelque sorte, le maquereau, est un peu comme l'onglet ou la hampe : sot est celui qui le laisse. Vive le goût !
Rédigé par : Phil' | 15/01/2008 à 00:11
On voit bien que de l'océan à ton assiette il n'y a
qu'un pas, pas d'intermédiaire ou presque, d'où ce
prix jamais vu par chez nous pour des maquereaux !
Belle présentation et du plaisir à te lire.
Rédigé par : gabriella | 14/01/2008 à 16:16
Moi aussi, c'est un de mes poissons preferes. Surtout grille, juste enduit de moutarde et d'une pointe de curry. et puis voila un regal qui n'est pas encore en voie de disparition semble t'il.
Rédigé par : gracianne | 14/01/2008 à 15:44
J'aime ça ! Il y a peu j'ai fait des harengs frais, juste grillés avec une recette ancienne...
Rédigé par : Tiuscha | 14/01/2008 à 09:45