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Vendredi 25 janvier. Ce serait normalement le jour du petit salé. Mais chez nous, il n’y a pas de règles sacro-saintes. Ce sera une sole Nelson.
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Viscount Horatio Nelson, before the Battle of Trafalgar
Tableau de George Lucy Good. Musée militaire national de Londres.
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Évidemment, vous allez imaginer que ma sole Nelson, c’est encore un coup de Trafalgar, une papote Poisson, une réédition d’une recette éculée. Vous n’aurez pas tout à fait tort. Quoique...
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Mais mon Nelson à moi n’a rien du légendaire amiral, ce trompe-la-mort qui gâcha la vie de Napoléon en lui faisant perdre à tout jamais, l’espoir d’annexer l’Angleterre à la Corse. Bilan : il est allé se perdre dans d’autres rêves, des rêves continentaux qui ont fini dans les glaces de la Bérézina. Ne démolit pas la Navy qui veut. Mais revers de la médaille, Nelson perdra la vie à Trafalgar, transpercé par la balle d’un tireur d’élite de la Royale.
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Nelson Jacinto
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Mon Nelson à moi est Nelson Jacinto. Il est portugais, alentejan et poissonnier de son état au marché de Vila Nova de Milfontes. Ça vous la coupe, hein ? C’est un artiste de la découpe, un chirurgien précis, virtuose. Il travaille en famille, avec son épouse Esperança Felix, avec maman, Maria Antonia Jacinto Manuel, avec David, son beau-frère, avec Lina, sa sœur, épouse de David et internaute. Il fallait que je présente cette joyeuse bande que je connais et fréquente au marché depuis cinq ans. Quant à la maman, Maria Antonia, je la connais depuis quinze ans.
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Esperança et Maria Antonia
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Maria, Nelson, Lina. On devine au fond Caetaninha (en orange)
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Nelson a aussi ce talent de parler convenablement le français, sans avoir mis les pieds en France. Souvenirs d'école, au temps où le français était obligatoire. Il a dû avoir de bons profs, mais il devait aussi être bon élève. Je suis toujours impressionné par les bons élèves en langues. Nous Français, sommes très médiocres. Surtout en anglais. Qu' Horatio Nelson nous pardonne d'avoir négligé nos études d'anglais. Mais qu'il nous comprenne: Jac et moi étions sous l'influence de notre père, encore pétri de préjugés antibritanniques. La perfide Albion...les accords de Munich en 1938...Sir Arthur Neville Chamberlain...Sa poignée de main à Hitler et Mussolini...
C'est pourquoi nous n'étions pas bons élèves en anglais, surtout JAC. Nous avons eu le même prof, Sir Pierrot Latrobe, éminemment chahuté. Un jour, notre bon Latrobe commence une phrase avec ce délicieux accent à diphtongues qui fait la noblesse d'Oxford:
- Sup-pose...
Et JAC d'interrompre en lançant sur le même accent oxfordien:
- Suppose it war
Rire généralisé du public de potaches qui a adore les répliques spontanées comme sait encore en faire JAC. Il aurait dû faire de la scène au lieu de faire une carrière de prof d'allemand.
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Let's go on eat
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La sole que Nelson m’a conseillée et préparée est énorme, mais qui résisterait ? N’est-ce pas Jef ? Quand tu reviendras, on refera un coup de Trafalgar.
Pour l’heure, j’en viendrai bien à bout de ma sole, en deux fois.
Nelson m’a invité à comprendre enfin ce qui distingue la sole de sable (sans doute la limande-sole) de la vraie sole, la solea solea. Cette dernière est brune, plutôt foncée. Son réseau de maille est serré et très net, bien dessiné, alors que celui de la limande-sole est incertain, flou et aléatoire. La solea solea présente une ligne foncée longitudinale qui n’existe pas sur l’autre.
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Nelson m’a dit :
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- Tu vas voir, é um espectàculo !
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Espectàculo, cela veut dire beaucoup en langue portugaise.
J’ai hésité entre le four et la classique meunière, sans fariner. Je ne farine que les petits poissons. J’ai finalement opté pour la poêle, le beurre clarifié additionné d’huile d’olive nouvelle. J’ai servi avec de petites pommes de terre «œil de perdrix» et une branche de brocoli, noix de beurre, persil. Simple. Efficace. Délicieux.
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Avez-vous vu ce doré ? Et ce blanc ? La sole épaisse, la grosse sole, présente cet avantage de restituer une chair exquise, ferme à la découpe, à l’attaque du coup de fourchette, mais tendre et savoureuse. Une texture à se pâmer.
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Je me suis pâmé. Merci Nelson !
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Variante du lendemain
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Nelson's sole with handcutted french fries, young grated carrots, red lettuce, lemon, giant parsley of Italy from the garden
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A propos de JAC, lisez la série de ses JAC a dit. Les carnets de voyage de l'Infatigable Voyageur.
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Je ne l'appellerai desormais plus que comme ca, ma sole au beurre: sole Nelson, tout un programme.
Rédigé par : gracianne | 30/01/2008 à 09:15
Bon allez, puisque la compagnie tourne au Fam'du, j'me lance : si la femme du sol y cite Tude, celui-ci cite Tucydide...
Rédigé par : Phil' | 30/01/2008 à 04:18
Le turbot amiral (trubot farci d'appareil à quenelle à base de sole servi d'une sauce crème au beurre de homard) ... la sole Iman la magnifique, la sole est Mio, la femme de la sole s'tice, la femme du sol da ! disait le russe, la femme du sol y cite Tude, la femme du sol y loque comme la sole Yves, la sole Anelle, la sole fateuse qui vivait à l'hotel Solfitel
et j'en passe
Rédigé par : jp | 29/01/2008 à 21:51
JAC: deux heures de colle pour ce calembourbon de l'Île du même nom. Et encore, je suis bon prince, ça en méritait quatre.
Signé Ti-Houitte
Rédigé par : JCP | 28/01/2008 à 16:02
Que vient -on faire dans cette poissonnerie?
On vient pour mander là Nelson...
Rédigé par : JAC | 28/01/2008 à 07:39
J'aurais deviné que JAC parle le sabir couramment...
Rédigé par : Phil' | 26/01/2008 à 18:53
Plus les années passent et plus je sais les raisons qui me font revenir si souvent vers ce blog : JCP y recueille les plus belles tranches de sa vie. Le plus merveilleux est qu'il parvient à embellir la nôtre, la nourrissant de rêves, d'images et de beauté.
Bref, merci pour cette splendide note qui respire le bonheur vrai.
Rédigé par : Phil' | 26/01/2008 à 18:48
A force de voyager dans un monde où l'on ne parle plus qu'anglais et où les érudits de Grèce, du Liban, de Syrie, d'Egypte ne sont plus que souvenir lointain d'un âge d'or francophone, notre JAC, voyageur infatigable, est devenu bon en anglais. Pas comme son frère qui ahane toujours sur sa copie, le Harrap's coincé entre les genoux, mais dont le tailleur est encore riche, en dépit des effondrements de cours qui affectent les bourses de la planète.
Rédigé par : JCP | 26/01/2008 à 11:37
Quel dérapage spectaculaire...!!Passer de la clef de sole à mon faible niveau en anglais...!On se demande où il veut en venir.Mon frère a été déporté lui aussi en Allemagne, mais...dans un virage .
En Arabie , j'ai refait un peu de mon retard , en parlant anglais avec les commerçants turcs , yéménites , égyptiens , qui agrémentent volontiers la langue de Shakespeare de mots arabes , tels que "fissa fissa", ou même français "ça va ça va"(pas nécessaire d'envelopper)A Hong-Kong , ce fut autre chose , un autre accent , une syntaxe dans laquelle on s'échine (évidemment)... Des mots chinois en pleine pleine phrase anglaise, ça vaut son pesant d'or...
Donc, JCP, mon frère, mon anglais est certes, loin d'être académique mais il est ...coloré,étonnant, amusant, enrichi de chinois, de turc , d'arabe .
Et ta sole !!!Elle bat le beurre !!!
Rédigé par : JAC | 26/01/2008 à 10:47