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Vila Nova de Milfontes, Portugal, Alentejo, Rio Mira un jour de grand beau retrouvé. Un grand beau qui ne tient qu'à un fil entre deux perturbations d'avril...
Dirait-on qu'en aval de ce paisible estuaire, sous l'eau dormante, naviguent de terribles sous-marins en perpétuelle belligérance qui portent en général des noms latins, tels le Holobatrachus Didactylus ou le Lophius Piscatorius, auxquels Jules Verne n'avait pas pensé ?
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Jules Verne avait pensé à Sepia Officinalis, à Mesonychoteutis Hamilton géants, à Nautilus, à Capitaine Nemo, mais pas à Nelson qui lui seul, porte un nom anglais. Mais Nelson n'est pas un sous-marin. Nelson est ce sympathique gaillard, taillé comme un chêne et qui officie en famille au marché de Vila Nova. Nelson est chirurgien en poissons, en mollusques, poète et savant en coquillages et crustacés.
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Nelson, dit "L'Amiral" ou "O Almirante", montre ici à l'envieux webmestre de Popote & Papote, un Tamboril de calibre et de facture "restauration". L'envieux aurait aimé se régaler du foie de ce Lophius Piscatorius, mais le foie faisant partie intégrante du lot, il eût été impensable que pour un foie, ledit envieux se chargeât de douze kilos de lotte.
Le Lophius Piscatorius, ne dirait-on pas un sous-marin julesvernesque?
Voyez ce rostre puissant, propre à éperonner. Voyez cette mâchoire dont les zygomatiques ne rigolent pas avec le fretin. Par contre, si on vous affiche à la carte "joues de lotte", même s'il n'en reste qu'une, prenez sur le champ.
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Voyez, bonnes gens, ce foie gras qui pendouille sous le monstre armé jusqu'aux dents. Si un grand chef vous propose foies de lotte sautés, prenez, prenez !
Foie, joues, ne sont que les abats. N'oublions pas la chair exquise de ce poisson sans arêtes qui se cuisine de mille façons. Au Portugal, on ne jure que par le Arroz de Tamboril. Personnellement, je le trouve bourratif (le riz!), peu inventif et toujours trop cuit. La chair de lotte cuit peu, sous peine de s'apparenter au caoutchouc, en termes de texture. Je préfèrerais qu'on me tente avec Petits paquets de lotte et rondelles de citron, jus façon osso bucco au basilic. Tout un poème! C'est ainsi que le cuisine Patrice Demangel, chef du Miramar à Biarritz. J'ai aussi le souvenir de médaillons de lotte au concombre.
Tout à fait entre nous, heureusement que Nelson existe. Car dépiauter un monstre marin n'a rien de bien folichon, sauf pour les mains de Nelson qui opèrent en deux, trois gestes chirurgicaux qui font le spectacle.
Je ne me lasse jamais de contempler le travail des travailleurs de la mer.
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Evidemment, il faut aimer le poisson pour supporter ces images-là. Mais lorsqu'on a pris conscience de la diversité et de la richesse de la faune sous-marine, on se prend à sourire devant la maigre diversité de la faune terrestre. On réduit la viande à veaux, vaches, cochons, couvées, c'est à dire à génisse, cochon, mouton, lapin, poulet et oeufs de batterie. Ajoutons dinde, autruche pour ceux qui supportent les monstres aviaires d'élevage intensif. Alors que le poisson, c'est tout un catalogue, tout une litanie, du plus gros au plus petit, du plancton au thon, voire à la baleine chez les Japonais.
Prenons toutefois bien conscience que les fermes aquatiques où l'on élève des poissons farinés (et farineux) se déploient à une vitesse ahurissante. Déjà, le saumon "Wild" n'existe plus ou presque. Il n'y a qu'Elvira qui sache en trouver encore en Irlande...Déjà des loups d'élevage à foison...Des turbots...Lisons bien les étiquettes.
Un signe qui ne trompe pas, c'est un hameçon encore accroché à la gueule d'un robalo, le bar tant aimé.
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Mais attendez, ce n'est pas tout !
Sur l'étal, il n'est pas rare de trouver des torpilles, par essence sous-marines. La Raie Torpille ou raie électrique, est sans doute à l'origine de la thérapie par électrochoc. La Torpedo Marmorata peut délivrer jusqu'à 6 ampères sous 80 volts. Dans l'eau, ça secoue.
Mais en dépit de sa sale gueule et de ses décharges électriques, la raie torpille est une bonne raie. Nelson dit qu'elle est saborosa, non pas sabreuse, mais savoureuse. A tester en Popote & Papote.
Et si un jour j'ai la goutte, j'essaierai le traitement torpédique comme l'expérimenta, en l'an 36 de notre ère, un esclave de l'empereur Tibère.
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Torpedo avec accus à plat, le voltmètre à zéro. Notez la présence des instruments de chirurgie sur le bloc opératoire en marbre d'Evora.
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Pas si laide, la torpille.
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Le Holobatrachus Didactylus est encore au hit parade. J'ai fait sa connaissance en juin 2007, à Carrasqueira. J'ai testé avec bonheur une soupe de ce batracien didactique, aussi laid en peinture qu'il est bon en cocotte. Sale gueule féroce aux lèvres goulues d'une obscénité torride. Il doit s'en passer des trucs horribles sous la flotte, on n'a pas idée!
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Sous l'élégante robe léopard, le monstre à la goule lippue jusqu'à la frénésie. Garantie sans injection de silicones. Dire qu'une ou deux femmes de ce monde essaient de lui ressembler, l'une en France, l'autre au Portugal, j'en frémis d'horreur.
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En caldeirada, le monstre est délicieux !
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Dirait-on des prédateurs?
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Dirait-on que ce petit port tranquille, bien niché derrière une colossale muraille de béton, recèle une flottille de bateaux armés pour la pêche ? Car il faut le dénicher, le Porto das Barcas de Milfontes.
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Dénicher, fureter dans le bric à brac propre aux gens de mer, mais surtout, ne pas réveiller le chat, ni effaroucher les goélands qui se prêtent à la photo.
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Dénicher quelques gens de mer occupés à préparer la pêche, échanger quelques mots, poser quelques questions, souhaiter une bonne continuation.
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Tourteaux dormeurs
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Les monstres les moins terribles, les plus paisibles, les moins dégourdis, les moins pourvus en incisives, sont les dormeurs. Certes, ils possèdent des tenailles, mais à quoi cette quincaillerie peut-elle donc servir? Il y a toutes sortes de dormeurs...
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Le dormeur violoniste...
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Le dormeur diagonal
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Le dormeur dormant
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Et bien entendu,
les dormeurs adultères,
les seuls qui prennent la vie de dormeur du bon côté.
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- T'as un beau coffre, tu sais...
- Pincez-le moi
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Enfin sel !
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Ceci est un trésor déniché au hasard des stocks, car de plus en plus et partout, vous ne trouvez que du sel lavé, purifié, raffiné, blanchi artificiellement. C'est la mode. Sans doute, c'est une mode US, car tout ce qui est plus blanc que blanc est forcément meilleur que bon, surtout pour la santé.
Le sel naturel a disparu des supérettes à la gomme que le marché impose et s'impose. Un marché de ménagères pressées qui ne lisent pas plus loin que le bout de leur caddy. Or, il en est du naturel qu'il faut savoir dénicher, tout comme le sucre de canne mascavado de chez Tate & Lyle ou les sacs poubelle non aromatisés. Car figurez-vous qu'on aromatise les sacs poubelle avec une substance infecte qui pue le patchouli comme un dimanche d'été à la sortie de la messe. On aura tout vu! Et tout senti!
Alors vous pensez bien que ladite ménagère fonce sur le aromatizado, tout comme elle foncera sur le papel higiénico perfumado, des conneries comme ça, dirait Coluche.
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Hommage à Rui Simeão de Tavira qui produit du sel, du vrai gris, assez homogène, alors qu'il semblait en voie de disparition. Le Rui Simeão vaut le Guérandes et il est dix fois moins cher.
Par contre, Excelente Senhor Rui, vous auriez intérêt à faire appel à un vrai traducteur pour les textes multilingues qui figurent au dos de vos sachets. Causer européen, c'est bien, mais charabia, c'est mal !
Qui est votre fort en thème qui a pondu le texte français? Un cousin? Une copine? Un escroc?
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Et nous les omnivores, dans tout ça?
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Nous, on se la coule douce à manger des monstres, parce que la beauté, comme dit l'autre, est intérieure.
La vive, par exemple. Sa piqûre est aussi lancinante que celle de la vipère (le dard caudal de la raie n'est pas bon non plus). Nelson nous arrange ça. Et hop! Fricassée de vive au beurre clarifié. C'est bon, c'est fin. La chair de la vive est plus ferme encore que celle de la sole. Et quel plaisir de varier les menus !
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Bien sûr, il faut avoir l'oeil pour dénicher la vive dans une caisse de tout venant, remplie surtout de petits grondins, tout juste bons à presser au pilon pour faire du jus de soupe. Mais la vive, ça se reconnaît aux rayures bien parallèles et bien dessinées. Préférer les plus grosses.
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J'ai dégusté avec les légumes dont je disposais, mais on peut tout inventer, avec la vive, surtout en bouillabaisse avec rouget barbet, lotte, congre, rascasse, ah là là !
Je sens que PHIL va frétiller...
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Homme libre, toujours, tu chériras la mer !
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J'étais avec lui le jour où il a pris ces photos. Les poissons étaient succulents.
Rédigé par : Jac | 15/02/2010 à 13:57
Je n'ai jamais touché à un poisson !!!
Je n'ai jamais regardé ces gueules horribles ,
Photographiées de si prés ,je découvre ces
bestioles et je regrette vraiment d'étre si
ignorante .JCP tu aurais pu m'apprendre !!!
Comme tu le chantais à trois ans : les
regrets sont superflus,n'en parlons plus !!
Quiquine .
Rédigé par : Jacqueline Paulus Petit | 15/02/2010 à 13:19
Oui J.-P. c'est aussi agréable de les trouver dans son assiette qu'un mauvais coup du sort quand on marche dessus, lorsqu'elles sont planquées sous le sable de la plage... La douleur de la piqûre est inoubliable, d'où probablement, le nom de ce poisson.
Rédigé par : Phil' | 24/04/2008 à 02:13
Une recette à déguster seule.... la tête de lotte rôtie au four tout simplement, avec un tout petit filet d'huile d'olive. Une grande serviette autour du cou, des doigts agiles. Trop bon!
Rédigé par : Marylène Sud | 22/04/2008 à 09:56
il n'y en pas si souvent des vives
c'est un chance d'en trouver
Rédigé par : jp | 21/04/2008 à 21:24