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A un Niçois qui mal y pense
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- Ta ratatouille aux tétons de tomates t'a-t-elle ôté ta toux ?
- Taratata !
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Le mot ratatouille est très mal choisi. Il sonne "tambouille", "rata". Il évoque davantage la cantine militaire de campagne que la fine compote de légumes frais improprement appelée ratatouille niçoise. Nice ne brille vraiment pas par son sérieux. J'y ai vécu. Je sais. Un décor de façade, d'opérette et derrière le carton pâte, les paillettes, la misère. Elle reste quand même pour moi la ville de Paul Tortelier dont j'écoute toujours avec joie la première suite pour violoncelle de Bach.
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C'est beau, Nice, un dimanche matin, à 6h45, quand tout n'est encore que luxe, calme et volupté...Photo JCP
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J'ai quand même un très bon ami niçois...
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Mais il n'aime pas la ratatouille, au prétexte que sa mère, lorsqu'il lui rend visite, lui sert nec varietur une ratatouille niçoise nec plus ultra à Saint Etienne, à lui qui vient de Nice. Quand il est venu chez moi, à Almograve, Alentejo, je lui ai aussi servi, j'allais dire "maternellement", une bonne ratatouille niçoise.
Lui, bien élevé, a éclusé son assiette sans mot dire et sans maudire. J'eusse cru qu'il eût aimé jusqu'à ce jour fatidique où il m'a avoué son peu de goût pour les légumes et la cuisine niçoise.
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Pour faire une bonne ratatouille
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Il faut se lever de bon matin.
C'est comme pour la bouillabaisse. Il faut surtout du produit de qualité. Et où trouver meilleur produit de qualité qu'au Lugar do Olhar Feliz, le jardin extraordinaire que décrit si bien Charles Trenet ?
Il faut du produit frais qui n'ait pas ou très très peu voyagé. Car si les voyages forment la jeunesse, ils fatiguent la légume. JP et Ann sont venus jeudi, d'une vingtaine de kilomètres, les bras chargés de tomates de toutes les couleurs comme on n'en trouve jamais sur les étals, d'aubergines turgescentes comme des matraques, de courgettes fermes, de poivrons rutilants, d'oignons géants, de fenouil fenouillant et, cerise sur le gâteau, quelques têtes d'anis étoilé:
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Tout ceci est passé à la cocotte en fonte Le Creusot, ma Rolls à moi, celle qui ne brûle jamais au fond et qui répartit la chaleur tous azimuts.
J'ai conduit classiquement le processus ratatouille, tout en m'éloignant mentalement du concept ratatouille pour concentrer mon esprit et les sucs dans un concept de compotage. Qu'est-ce qu'un concept, me direz-vous? Je n'en sais toujours rien, moi qui fus 18 ans concepteur rédacteur chez mes amis suisses.
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- Je ne vois pas le concept, me disait parfois mon patron quand il n'avait rien pigé à mes élucubrations et me renvoyait à ma copy, non sans avoir encore précisé:
- Je vous rappelle qu'on présente la campagne demain à 14h au client
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Le compotage, je connais. C'est bien plus rapide que de trouver un concept intelligent et le moins mensonger possible sur les vertus alléguées d'une potion magique qui fait repousser les cheveux à ceux qui s'en sont fait.
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Dans l'ordre chronologique, huile d'olive, oignons finement émincés, ail, poivrons, un premier suage qui déjà révèle des parfums diaboliques de paradis terrestre.
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Un début de compotage à feu doux, sel et sucre (l'antidote de l'acide), quelques piments oiseaux bien nichés, un bouquet garni de senteurs, persil, cerfeuil, laurier, thym, deux étoiles d'anis. On goûte en chemin. Le plaisir est déjà grand. Les concentrations s'affinent.
A mi-parcous, on prélève un maximum de jus, on le réduit de moitié dans une casserole à feu vif, on le réintègre à la compote, on regoûte, on rectifie ça et là. Lors qu'on juge la perfection atteinte, on éteint tout et on laisse encore se faire les échanges.
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Une première assiette confirme la force du concept compotage. C'est fort en saveurs, c'est chaud et frais à la fois. Le nez palpite. Les papilles s'affolent. On se calmerait bien, mais ce serait pêché. On pense à ces oeufs au plat, plus tard, quand l'hiver sera venu. On pense à l'ami niçois, quand il reviendra, l'an prochain et qu'on aura pris soin de garder une barquette du cru 2008:
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- Devine ce que je t'ai préparé !
- Une ratatouille ?
- Non, jeune homme, une compote d'Almograve !
- Ahhh, délicieux !
- Tu vois, il suffit de changer le concept
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Désolé, mais j'étais passé à côté de cette note sans la voir.
Effectivement, à la manière d'un trop célèbre nabot préposé à la com' du 3e reich, je serais capable de sortir mon pistolet quand on me parle -- non pas de culture -- mais de ratatouille. J'en ai trop mangé de médiocres, de grasses, de mal cuites, de ratées, que j'ai du mal à supporter le simple nom de "ratatouille"...
Ici, à Nice, c'est bien simple, ça fait partie des incontournables qu'on trouve quasiment à chaque coin de rue, bien qu'il s'agisse d'une garniture, avec la pissaladière, les beignets de courgettes, aubergines etc, la tourte de blettes et j'en passe. Et comme pour les croissants, on est souvent déçu.
Je dois aussi avouer que pour un gars qui a été nourri à la cuisine lyonnaise, ces ratatouilles et autre tians de légumes, ne me font que peu d'effet. Et puis je préfère de loin les préparations de type purée, soufflé ou mousse. C'est comme ça. Cela dit, ta ratatouille, cher Jean-Claude, est des rares qui soient vraiment bonnes à tout point de vue. Il en va de même avec toute ta cuisine, d'ailleurs. C'est bon, bien fait, réfléchi, pertinent, abouti.
Rédigé par : Phil' | 12/08/2008 à 02:25
L'art de raconter cette ratatouille est autant délicieux ! et le concept de JP dans les commentaires de haut vol!
Rédigé par : irisa | 10/08/2008 à 13:32
la femme de Larata touille
la femme de Touille la rata
la femme de Lara te touille
voila le concept
Rédigé par : jp | 07/08/2008 à 20:32
quels beaux légumes : j'en rêve !
Rédigé par : Clemence | 07/08/2008 à 11:36