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Cette pêche en robe de velours va disparaître dans quelques instants.
Elle sera mordue, mâchée, déglutie par une bouche avide de sensations fortes qui articulera in fine des mots exagérés dans un soupir extatique, des mots trop théâtraux et si sincères à la fois. Mais les Epicuriens sont ainsi. Ils sont prêts à épouser sur le champ si le fruit leur convient :
- Pitsis, mon délicieux amour, b...de n...de D..., vous êtes la pêche de ma vie !
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Dames tomates et Dona Cebolinha ont bien voulu poser pour la gloire aux côtés de Pitsis, élue Miss Demongoût 2008
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Car les pêches se font rares !
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Feue Pitsis
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Elle s'appelait Pitsis. Du moins c'est ainsi que l'appelait ce Grec à dos d'âne qui déambulait sur les plages du sud athénien, au temps ou la Grèce était encore antique, entre Parthénon et l'Aéroport Eleftherios Venizelos, à la hauteur de Glyfada, Varkiza, Vouliagmeni, irreconnaissables maintenant, du fait d'un bétonnage bien pire encore que les travaux d'Hercules. Cela s'appelle une connurbation.
Les colporteurs grecs ayant encore du mal à prononcer l'anglais, ils transformaient sans complexe peaches en Pitsis. Ce nom m'est resté pour désigner des pêches de compétition. Cette Pitsis en est une. Elle mérite un Noyau d'Or.
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Elle est morte d'avoir trop péché par la chair. Gourrrmande, va !
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Autopsie d'un top model
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Après avoir délicatement pelé un quart pour constater que la peau est saine, un peu résistante et ne présente aucun signe de pourriture ou de traumatisme consécutif à l'enfoncement d'un pouce de mémère, il est temps d'ouvrir sans précipitation, cependant.
Pitsis, au bon fond génétique, a été vraisemblablement cueillie sur l'arbre et à maturité.
Aucune trace de cloque n'a été décelée.
Pratiquons une incision équatoriale franche et séparons délicatement les deux hémisphères.
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Un examen attentif montre une sorte de météorite d'une grande dureté qui aurait comme qui dirait percuté la planète et causé la disparition des dinosaures. Ce n'est qu'une hypothèse parmi tant d'autres. Ici, le noyau a creusé un cratère sans autre dommage connexe et l'impact conséquent a dessiné des lignes de force centrifuges et rayonnantes d'une couleur rouge à dominante magenta, virant au jaune abricot en périphérie, selon un dégradé subtil.
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Si l'on ôte le noyau, on constate qu'aucune lésion ayant pu entraîner la mort à terme, n'a endeuillé la chair. Un examen très attentif n'a pas permis de déceler le moindre ver. Les ramifications blanches restent parfaitement immobiles, alors que sur des pêches précédentes du commerce, il fut facile de déloger un perce-oreille et de titiller un nid d'asticots.
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La dépouille de Pitsis est parfaitement saine.
Ses chairs ont été passées au broyeur masticatoire, rendant un jus pur, très équilibré entre sucre et fraîcheur acidulée. Dès lors, il est possible de caractériser Pitsis comme une pêche de soif.
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De Profundis
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Le noyau de Pitsis a été enterré dans un jardin d'Almograve, Portugal, Alentejo sud.
On ne sait jamais. Des fois qu'elle renaisse et qu'en renaissant, elle donne le jour à des centaines de Pitsis.
Elle provient d'un verger non industriel de la région de Leiria. Elle a été achetée à Lisbonne, sur un marché des quatre saisons, directement au producteur. Elle n'a jamais connu les rigueurs frigorifiques.
Elle m'a été donnée par Victor, mon expert en pêches en vacances ici pour quinze jours. Une fine gueule. Il prétend que cette pêche n'est encore rien comparée à d'autres. Mais où va-t-on dans l'escalade?
Certes, Pitsis n'est rien à côté des pêches Andromède de JP, cru 2007. Ou encore sa fameuse pêche plate Oriane, cru 2006. Mais alors que l'année 2008 avait été déclarée NAAP (non-année-à-pêche), printemps humide, cloque... l'exception, quoique tardive, fait quand même du bien.
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Allez allez, des nouvelles fraiches ! Le noyau prometteur a-t-il germé ?
Rédigé par : Itada | 03/11/2014 à 16:52
En ce début d'automne, cette évocation su poètique de cette Pitsis apporte un peu de chaleur et de douceur.
Les photos et les mots sont si gourmands que reviennent en mémoire odeurs, saveurs et textures tellement subtiles d'une bonne pêche maintenant tellement difficile à trouver.
Il reste encore sur les étals quelques pêches plus proches au toucher de la boule de pétanque que du fruit, totalement répulsives!
Rédigé par : Ségolène | 03/10/2008 à 06:16
J'avais déjà l'eau à la bouche à la lecture du titre; et patatra, on vient me parler d'un fruit que mes doigts délicats ne peuvent toucher. Rien que d'y penser, j'éteindrais bien mon écran, tiens. Bon, si quelqu'un la déshabille pour moi, je veux bien faire un effort.
Elle est bien belle quand même, va!
Rédigé par : Pen Prad | 09/09/2008 à 09:59
jolie note
effectivement plus au nord les fruits ont moins souffert de ce curieux mois de mai 2008
qui avait tant d'insectes
mais enfin on ne peut pas se plaindre
JC je t'implore de venir le plus tôt possible gouter le raisin
c'est à tomber si fort que tu te retrouveras aux antipodes
Rédigé par : jp | 08/09/2008 à 21:38
Ton avant-dernière photo conforte à merveille ma conviction (c'est fou c'que j'aime ce mot) à tenir ce fruit pour le plus sensuel et évocateur de Vénus que je con-(oh, pardon)-naisse.
Quand je pense que les italiens du sud n'ont que la "fica" à la bouche... Une figue, non mais quelle aberration ! alors que la pêche, elle, donne envie de s'exclamer "est! est! est!".
Rédigé par : Phil' | 07/09/2008 à 00:47