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Bacchus. Sculpture sur bois de Marc Georgeault
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Septembre, le joli mois, le mois du raisin, le mois où Bacchus s'en met plein la lampe, vendange et tout en vendangeant, siffle des godets de vin de l'an passé, après s'être copieusement rincé la dalle en pente de pur jus au bon goût de raisin.
Non, novembre, je ne veux pas le voir !
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Du Bio, du Bon, du Bien né
Du tropical comme du tempéré
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Septembre est encore le mois des abondances, surtout chez nous, sur le 37e parallèle et sur le méridien le plus ouest qui soit en Europe. On dit pourtant que l'année 2008 fut une année froide. C'est vrai, à Almograve, sur la côte du moins, le péquin balnéaire n'a point crevé de chaleur. Même en août, il fallait se couvrir un peu, le soir. Le Normand natif que je suis, bien que repenti, appréciait.
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Au pays de Cocagne, l'abondance ne nuit pas
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Le raisin perdu
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Un peu de nostalgie et de saudade pour commencer. J'ai le souvenir lointain de raisins délicieux et d'une machine métallique à tirer le jus dont nous nous gorgions, enfants. Le jus brûlait un peu la gorge, tant il était sucré. C'était un nectar au sens poétique du mot. Pas du nectar en boîte. Je me souviens de chasselas dorés, de muscats fondants, de malagas capiteux. Plus tard, en Suisse, on ne jurait que par le Moissac ou le Lavallée. Las, ce n'était plus déjà "ça", me semblait-il.
Et aujourd'hui, n'y aurait-il plus de raisin? C'est bien ce qui m'a semblé à la vue peu attirante de ces gros grains en forme de ballon de rugby, à peau dure, tout juste juteux.
Je méprise le Red Globe, le Cardinal, que je reconnais au premier coup d'oeil. Ne me parlez surtout plus de raisins des étals marchands. Ils sont entrés en marketing, et bons pour des goujats, même pas pour du vin de messe, amen.
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Le raisin retrouvé
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Mais le raisin de jardiniers, le raisin de cure, le raisin de curé existe toujours, je l'ai rencontré !
Il s'agit du raisin-fraise "Fragole". Une variété qui semble se plaire à LOF et que boudent les oiseaux, car jeune, il est amer et le piaf n'y revient pas deux fois.
D'emblée, ce raisin, dans ses deux variétés noire ou rose, m'a évoqué le souvenir de ce vin de Tras-os-Montes qu'on appelle là-haut "Americano". Trop, bien trop fruité à mon goût pour un vin, mais bon à croquer en grappes.
Pardon, frères du Nord, si je n'ai jamais pu gober votre vin, surtout bu au grand bol qu'on se refile en compagnie, comme on se refile ailleurs le calumet de la paix, la rhubarbe ou le séné. A votre votre sirop de fraise ("Ceci est mon sang" prenait alors toute sa signification), je préférais -et de loin - votre piquette, votre Vinho Verde blanc de soif, de soif intense qui faisait passer la feijoada, clôturée par un bol de soupe au chou roborative...
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La cure a commencé debout, à LOF, dans la vigne. Et comme le raisin n'y a jamais été traité ou sulfaté, on peut y aller hardiment, croquer, s'asperger, éjecter les pépins avec des grâces de sauvage. Car au fond, ce qui est bon dans le fruit, c'est le retour à l'état naturel. Gare au gorille !
La cure s'est poursuivie à la maison. J'ai d'abord trié, éliminé les quelques grains flétris que se disputaient les drosophiles.
J'ai pressé une partie au presse-purée, cet outil vieux comme le monde, appelé aussi passe-vite.
Le jus de la treille s'est mis à pisser dru. Autant je ne trouvais pas aux grains de raisin un goût de fraise prononcé, autant ce goût s'est révélé intense dans le jus.
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Et comme le Fragole a bonne presse depuis qu'Ann a inventé le GHC, le Grape Harvest Cocktail, j'ai reproduit ce petit miracle bacchique. Il n'y a pas à dire, c'est bon ! C'est léger, rafraîchissant, c'est le Bon Dieu en culotte de voile de lin.
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Grape Harvest Cocktail
Raisin pur à l'attaque, fraise en finale
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La cure perdure
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Ce n'est plus seulement une cure de raisin, mais une cure de choses de la terre, cultivées avec soin et raison, sans qu'il soit besoin de forcer la fertilité ou d'éradiquer la gent parasite. Soleil et eau font fonctionner la machine biologique.
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Un poireau de Carentan, courtaud et renflé est passé à la trappe. Ce n'est pas un de ces poireaux de bois, longiformes, mais un poireau gastronomique à vinaigrette.
Le tomates sont des formidables "Coeur de boeuf", grosses comme un gant de boxe, viandues en chair à tomates, à peine garnies de pépins. Tout ce monde, courgettes, aubergines, poivrons est parti en compotage. Les liquides résiduels, eaux de végétation, ont été réduites presque à l'état de sirop. Car il est si bon de se soigner!
Quatre cédrats et un formidable citron de Californie feront une confiture émoustillante.
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Evidemment, il faut se donner le temps et le temps ici, c'est du concentré de saveur.
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Merci LOF !
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A JAC,
Certes,je n'aimais pas travailler dans le jardin, mais j'y ai au moins gagné un goût immodéré des poireaux(voir la note suivante: "Eloge mystique du poireau".
Rédigé par : JCP | 21/09/2008 à 12:22
amusant ce Jac
je n'aime pas les poireaux
mon père me faisait repiquer 700 poireaux pendant les vacances.
Mon frère n'aimait pas travailler dans le jardin
bonjour docteur Freud
Rédigé par : jp | 20/09/2008 à 21:24
E ti tê, man paur'ti gars, toujou en vadrouille comme mê. Pas étonnant qu'on se soit si rarement rencontrés mais JCP y pourvoira,c'est un bon entremetteur ! Il me tarde de te "reconnaître" après tant de poireaux repiqués et dégorgés.
Chedozot n'était pas boulanger (près de la Fontaine Ste Marie, il s'agissait d'un cordonnier, j'ai une belle histoire à son sujet, mais ce n'est pas l'endroit pour la raconter). Chedozot était le coiffeur rural de notre grand-père. Il était plus particulièrement expert dans la tonte des moutons. Grand-père faisait preuve avec ses petits-enfants d'une patience frisant (c'est le cas de le dire, surtout en présence d'un germaniste) le masochisme: il me laissait lui administrer d'interminables shampooings avec alternance de rinçages à l'eau bouillante et à l'eau glacée...C'est ainsi que mes piètres qualités professionnelles me valurent le surnom de Chedozot (orthographe incertaine).
Boujou pi des bôbons. Et merci à JCP qui nous prête son forum.
Rédigé par : Chedozot | 20/09/2008 à 14:50
Chedozot...Mais, c'est toi, mon cousin lusophone? J'ai toujours entendu parler de toi, mais je ne t'ai jamais vu. Ou si peu.
Chedozot...Le nom n'est-il pas lié à une boulangerie située à proximité de la fontaine Sainte-Marie?
Alors, bonjour mon cousin. Je comprends pourquoi mon père me faisait repiquer 700 poireaux pendant les vacances.(Mon frère JCP n'aimait pas travailler dans le jardin à l'époque...)
Pour tout dire, cousin, ton évocation est émouvante, mais...je déteste les poireaux.
Bises
JCP te donnera mon adresse.
Rédigé par : jac | 20/09/2008 à 12:15
"le cimetière des poireaux. Là, Grand-Père leur coupait la tête après avoir prononcé quelques formules sacramentelles"
La tête et la queue,
alors là,
quelle bonne idée de prononcer un éloge funèbre apotropaïque !
Le poireau c'est pas rien comme le chou.
Je coupe les poireaux à droite du compost, pas à gauche pas à sinistra.
Que le Dieu des poireaux nous entende et accepte le sacrifice des siens.
Je vais en immoler demain après midi.
C'est beau ce qu'écrit Chedozot,
même si mes poireaux ont bien moins que 40 ans...
Rédigé par : jp | 19/09/2008 à 22:35
Vejo que hà muitas frutas este ano em Almograve...
Un vrai bonheur,ta présentation. En particulier, les "Coeurs de Boeuf" (nous avons la chance d'en avoir sur le marché de Cahors) et le magnifique poireau de Carentan trapu, bien trempé, bien gorgé...
Carentan me ramène aux souvenirs de guerre: lorsque les Américains progressaient vers Cherbourg via Carentan en 1944, on disait que les Allemands demandaient leur mutation sur le front italien car ils préféraient mourir à Milan plutôt qu'à Carentan. Les temps étaient durs, on se contentait de peu de choses pour rire, ça faisait du bien.
Mais surtout le poireau de Carentan me fait revivre les souvenirs de notre grand-père commun. Presque chaque soir, à Isneauville,en 1944, nous nous rendions en procession, Grand-Père, mon frère et moi, à un endroit bien précis, toujours le même, qu'il appelait le cimetière des poireaux. Là, Grand-Père leur coupait la tête après avoir prononcé quelques formules sacramentelles. L'endroit était étonnant car le jus acide des poireaux sacrifiés avait blanchi et stérilisé la terre: rien n'y poussait. Ce paysage lunaire joint à la solennité de la procession à la nuit tombante et à l'étrangeté des litanies prononcées par Grand-Père donnaient à la moindre soupe de poireaux une valeur quasi-mystique et la faisait savourer dans une atmosphère de communion.
Rédigé par : Chedozot | 19/09/2008 à 15:38
merci JC
je me disais bien en te voyant chargé de tous ces fruits et légumes que ça sentait une belle note lyrique.
j'avais oublié tes limes du Mexique, c'est bon le GHC d'Ann, il n'y a pas à dire.
Le gros en bas à droite c'est un cédrat diamante, l'italien, il est très bien aussi
il n'y a pas à dire.
à chaque fois que je passe devant ce raisin fragole j'en coupe une grappe et hop
je fais même le détour pour passer devant.
On a la vie belle.
Tu parles d'un pays
je crois qu'on a décidément bien fait de venir ici.
Rédigé par : jp | 18/09/2008 à 22:27