10 avril 1991, New Oriental Hotel, Galle, Ceylan,
A Galle,
au New Oriental Hôtel, le spectacle commence à 19 heures.
Première précaution, arriver un peu en avance. Puis, choisir un endroit idéal pour scrutateur averti : table légèrement excentrée, siège si possible dos au mur. Alors apparaissent de jeunes Australiens arborant bijoux en or massif, quelques surfeurs tatoués aux biceps, puis des Allemands très sérieux, bronzés avec méthode. Une élégante en chapeau rose, tout à fait convenable pour s’exhiber aux courses hippiques de Deauville, fait une entrée remarquée : on se retourne, on commente, on la suit des yeux.
Certaine de
son pouvoir, elle affiche une moue de dégoût, jette négligemment son sac à main
sur une table située juste en face de la mienne, passe ensuite commande auprès
du digne serveur en livrée rouge, auquel elle ne concède aucun regard.
(Dame en rose façon "Courses de Deauville")
A cette heure-là arrivent deux couples, jeunes, très distingués, appartenant à n’en pas douter au monde du show-business. Ils évoquent leurs émissions télévisées, parlent de journalistes connus, de chanteurs qu’ils estiment « en bout de course ».
Pendant ce temps, l’élégante se fait servir un demi-poulet grillé posé sur une feuille de salade verte, commence à découper l’aile de son volatile avec une excessive délicatesse, et, tout en mâchant fort longuement, parcourt distraitement un hebdomadaire féminin.
Toutes ces personnes raffinées se sentent à l’aise dans cette grande bâtisse du dix-septième siècle, ancien quartier des officiers hollandais, converti en palace colonial, sans doute la plus prestigieuse institution de Galle.
Tandis que je procède à un examen minutieux de tous les convives, le diamant à l’oreille de la star d’aujourd’hui, m’éclabousse d’un violent clin d’œil. Et les Australiens parlent de Chevrolet. Et les Allemands énumèrent des chiffres. Et les artistes chantonnent leurs succès irrésistibles.
(La vie en rose à Ceylan)
La belle dame lit son magazine, tout en déchirant, avec un peu moins d’élégance toutefois, le peu de poulet à peine cuit qui lui reste.
Cette atmosphère de film de Fellini, à la pointe de Ceylan, est un régal, à quelques mètres d’une rampe aux moulures blanches, derrière laquelle attendent des mendiants dont certains ne peuvent se déplacer qu’à genoux. Ils implorent d’ailleurs à genoux.
( Fellini, grand observateur de la vie en rose)
La vedette des lieux, toute de rose vêtue, se bat maintenant avec une patte de poulet qui ne lui obéit pas assez vite. Elle s’énerve et décide de dévorer le morceau réticent avec ses doigts…elle aspire, suce, lèche, donne des coups de pieds…secoue l’os et le jus…qui gicle sur son bras ! D’un dernier geste rageur, l’exaspérée jette le reste de la carcasse dans le plat et…reprend sa revue.
Voilà une jolie marquise troublante, énergique et pour le moins vigoureuse. Est-elle ancienne danseuse ? Actrice célèbre ?
Mais le malaise et la surprise m’étreignent : des poils aux jambes, des articulations plutôt masculines, des épaules musclées…font penser…Non, je dois me tromper…C’est un…
La comtesse rose quitte alors sa lecture et m’adresse un sourire enjôleur qui ne laisse aucun doute sur ses intentions.
L’observation cesse immédiatement : l’observateur se sent …observé.
Je demande l‘addition.
JAC, le 23 avril 2009
Il fallait bien se douter que les rencontres diverses sont parfois surprenant !!
La marquise avait du poil aux pattes elle a
sans doute acheté un rasoir depuis !!
Quiquine .
Rédigé par : Jacqueline Paulus Petit | 29/01/2010 à 18:00