En mai 68, vers
minuit, je me fais arrêter à Mont-Saint-Aignan lors d’un contrôle de
police. Claude, mon grand copain de l'époque, m'accompagnait. Les policiers
étaient « remontés » contre les étudiants. Les insultes fusaient à
nos petits endroits. On nous fouille. On nous palpe. On nous bouscule. Un
adjudant trouve un pistolet d'alarme dans ma veste intérieure. Aïe! L'arme
circule de main en main. Le chef de poste appelle le Central, place de l'Hôtel
de Ville. Et j'entends....:
- Oui, chef, nous avons intercepté deux individus...L'un
porte une arme...On ne voit pas bien. Il prétend que c'est un pistolet
d'alarme...Oui, mon adjudant, ça ressemble au revolver du hold-up de Sotteville...Cinq
sur cinq...mon adjudant…On descend les individus.
(Hold-up de Sotteville : les malfaiteurs n'ont pas hésité à faire usage de leur immoralité.)
Rien qu'à entendre le mot « individu »,
Claude se met déjà à pleurer. Son père est instituteur. Dans la famille
personne n'a encore fréquenté un commissariat. C'est pourtant ce qui nous
attend. Ca sent la sueur ces endroits-là. C'est mal éclairé et parfois on en
ressort en mauvais état.
Le voyage dans le fourgon grillagé
est pour moi une expérience enrichissante. Un peu comme si je tournais avec
Gabin ou Delon dans un Maigret quelconque. C’est peut-être pour cette raison
que j’entre sur le plateau de « Quai des Orfèvres » en me cachant le
visage.
« Petit con, me
susurre un adjudant en me prenant affectueusement par le cou, je dis petit
con car tu vois, mon gars, y a pas d'témoin. Une balle manque dans ton
barillet. Qu'est-ce que tu en as fait, petit con, hein? T'aimes bien que
j't'appelle petit con? »
(Galabru, inspecteur idéal pour interrogatoires musclés la nuit au commissariat)
Le « petit con » en
question observe sans broncher les joues flasques et les yeux de crapaud veule de
son interlocuteur. L’envie lui vient d’étrangler son nouveau camarade de la
nuit, mais il sait bien que le rapport de force ne joue pas en sa faveur. Il
prend sa respiration et confie:
« A Mont-Saint-Aignan, dans ma chambre, il y a des moustiques...Alors
j'en ai tué un sur le mur, j'en avais marre de me faire mal à la main pour
tenter de l'écraser... »
Eclat de rire général dans le commissariat central…Et les gendarmes
rient dans la gendarmerie…
On nous libère sous les quolibets de la
troupe. Mais auparavant nous recevons un coup de pied au cul par chacun des dix
policiers de service cette nuit-là, postés en une haie d'honneur digne des
réceptions des plus grands chefs d’états.
(Moustique qui baisse la tête de honte d'avoir tapé sur les nerfs d'un pauvre étudiant innocent.)
JAC, le 29 décembre 2009
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