Mai 1994, Lycée français Victor Segalen de Hong Kong
Grande effervescence dans le lycée. Un bruit circule de classe en classe : « Gérard Depardieu et Christian Clavier viennent nous rendre visite ! »
Incroyable. Les élèves de la filière française sont fous de joie et propagent vite la nouvelle à tous les étages, et même dans la section anglaise, mais cette visite programmée n’y provoque aucune réaction car les anglophones ne jurent que par le cinéma américain.
En attendant, on me demande de sélectionner deux garçons et une fille ayant une ressemblance avec la photo de trois petits acteurs parisiens de la première partie du film et qui ne peuvent se déplacer pour tourner la suite à Hong Kong.
Certes, le proviseur apprécie que son école soit liée à l’histoire d’un film et que des élèves de cinquième jouent à côté d’acteurs célèbres, mais il refuse que certains enfants passent deux ou trois jours à Macao pour faire de la figuration. Les parents trouvent donc un subterfuge pour permettre à leurs petits de vivre une expérience unique : voyage en hydroglisseur, hôtel cinq étoiles, tournage dans un couvent en compagnie de stars.
Très vite les anecdotes s’accumulent et alimentent les conversations. La mafia locale, les fameuses « Triades », auraient confisqué une ou deux caméras et demandé rançon. Au réfectoire des acteurs, Gérard Depardieu aime le vin et fait rire tout le monde. Une scène tournée à la va-vite dans le port de Causeway Bay aurait été sauvée de justesse avant l’arrivée de la police qui n’avait pas donné son accord.
Avec quelques amis du lycée Victor Segalen, je passe tout un samedi à tourner une scène dans un ferry en compagnie d’acteurs chinois, notamment à côté de celui qui se fait tordre le cou par des voyous au-début du film.
La cantine est bonne, mais le vin, un peu bouchonné, passe mal avec les coquilles Saint-Jacques pochées à la citronnelle. Dans une ambiance de fête, les collègues s’amusent à faire semblant de chipoter sur les plats de haute qualité. Quant aux figurants chinois, ainsi que les deux ou trois seconds rôles, ils se prennent au sérieux et nous regardent en chien de faïence.
Depardieu et Clavier ont décommandé leur visite dans nos murs. Pas grave : les récits de leurs exploits et de leurs fous rires resteront pour longtemps dans les mémoires et, d’après mes informations, leur présence a rapidement suscité parmi les étudiants bon nombre de vocations, dans le cinéma, le théâtre ou la photographie.
(Scène du film "Les anges gardiens". Une de mes élèves de cinquième, Sandra Lavoux, à gauche.)
JAC, le 23 avril 2011
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