Années 53, 54 ou 55
Mardi après-midi. Vague angoisse. Mal au ventre. Une redoutable épreuve de dictée nous attend. Monsieur Dupuy, notre maître, n’est pas commode dans ces moments-là. Je peste contre les écrivains qui n’ont qu’une idée en tête : écrire des dictées pour embêter les enfants. J’ai peur.
Si le Bon Dieu existe, pourrait-il faire un petit geste pour les faibles en orthographe ?
Nous nous mettons en rang. Il fait chaud. L’horizon est lourd de gros nuages gris.
Mais, aujourd’hui, la classe est plus agitée que d’habitude. C’est que …nous ne sommes pas seuls à entrer dans la salle : deux poules affolées se poursuivent, se faufilent entre nos jambes et finissent par sauter sur les bancs, sous le pupitre, derrière les armoires. Règlement de comptes ? Personne ne rit. A la campagne, on ne plaisante pas sur le dos des volailles.
Le maître demande à qui elles appartiennent.
Quelqu’un sait. Il les connaît. De la crête aux ergots. Elles se sont échappées du poulailler de son oncle.
Alors, l’instituteur cherche un volontaire pour accompagner le camarade, tenu de ramener les deux bêtes à leur propriétaire. J’ai à peine le temps de lever le doigt, qu’il me désigne. Le vent tournerait-il en ma faveur ?
Deux cents mètres. La distance est peut-être un peu juste pour pouvoir échapper à La mule du pape d’Alphonse Daudet ou au Petit Prince de Saint-Exupéry. Mais notre imagination n’a pas de borne pour faire durer l’escapade.
Un vent de liberté nous donne le sourire. Cependant, nous restons discrets devant les compagnons condamnés à rester sur place.
D’abord, nous traînons un peu sur le chemin. Puis, l’ouverture de la barrière s’avère compliquée. Enfin, nous remettons les deux gallinacés en lieu sûr. On nous offre en récompense un verre de lait et, c‘est inévitable, une tartine de fromage. Comment refuser l’hospitalité dans une ferme normande ? Ne venons-nous pas de lire un texte à ce sujet ? A l’instant où nous passons à table, je suis sûr que notre professeur se réjouit de savoir que ses élèves respectent les coutumes.
Au bout d’un quart d’heure, nous sommes bien obligés de prendre congé de nos hôtes.
Alors, nous rentrons, la tête haute, fiers d’avoir accompli notre devoir.
Mais, que se passe-t-il ? « Monsieur » n’a pas l’air content. Mais pas content du tout. Il fronce les sourcils :
-Vous en avez mis un temps ! Une demi-heure pour porter deux poules chez le voisin ? Vous ferez la dictée la semaine prochaine, avec un paragraphe en plus, compris ?
La semaine suivante, nous avons fait une longue marche en forêt, étudié les plantes, les oiseaux, puis répété les chants pour la chorale de fin d’année.
Contre toute attente, l’exercice de dictée n’a pas eu lieu. Et personne, parmi nous, n’a pensé à le rappeler au maître.
Depuis ce jour, je crois au miracle.
Et j’ai beaucoup de tendresse pour les poules.
JAC, le 2 décembre 2011
Les poules du tonton étaient de bonne volonté,car ce n'est pas facile d'attraper ces volatiles :c'est au moment ou vous pensez qu'elles sont à votre portée, qu'elles vous sautent au visage ,dans un dernier élan de la dernière heure .
Souvenirs de dictées les plus ardues :Entre le résiné de la résine, le raisiné jus de raisin,ou le raisiné des voyous,que de cheveux arrachés par les difficultés de la langue Française !
n'oublions pas ,sur les bancs de l'école,les futurs mariés faisant publier les bans .
Se faire un cent d'encres a été mon plus gros problème !
Nous n'avions pas les mêmes difficultés,car j'adorais cette compétition des mots,
nous ayant donné bien des maux de tête !!!
Quiquine .
Rédigé par : PAULUS PETIT JACQUELINE | 02/12/2011 à 19:02