Le Barlafré était une bande dessinée des années 50, présentée sous forme de feuilleton dans le quotidien l’Humanité. Tous les soirs, ma mère revenait de Rouen par le train et m’offrait le fameux journal.
Bien sûr, je lui portais avec plaisir son sac ou ses courses, mais j’avais hâte de lire la suite de mon histoire.
L’ambiance du Moyen-Âge qui se dégageait de l’intrigue me faisait rêver. J’adorais cette épopée où la Guillemette suivait son amoureux. Il y avait du Robin des Bois ou du Thierry La Fronde dans ce héros généreux, à la tête d’une armée de paysans.
(Le personnage le plus détestable était sans nul doute le fils du seigneur de Montjoie. On le voit ici "caquetant à qui mieux-mieux-bat-du-bec, en route de chasse dans les bois de Vertu-Vole...")
L’auteur, Jean-Pierre Chabrol, y parlait un drôle de langage, où résonnaient des expressions venues d’une autre planète, telles que : « for mariage », « occire », « serfs et vilains », « castel », « chambellan ». Mais, comme les enfants de l’époque baignaient dans l’amour de l’Histoire événementielle, le style imité des vers des troubadours ne constituait en rien un obstacle à ma lecture passionnée. A force de lire et de relire ce long poème épique, j’assimilais quantité de tournures médiévales et ne manquais pas de les hurler lors de batailles rangées que nous organisions dans la cour avec les camarades du village, métamorphosés pour la circonstance en redoutables soudards. Je me souviens encore de certaines d‘entre elles : « Ah ! Tonnerre de Satanas ! », « Garde-toi à droite ! », « Venez par cy ! »
Il y avait encore bien des constructions étonnantes, pour un garçon de huit ans, par exemple, un verbe en tête de phrase ou un adjectif placé à l’endroit le plus inattendu :
« Brillaient les heaumes, flottaient les enseignes et caracolaient en braillant d’heur et d’aise les vaillants chevaliers », « Lors se déroulèrent diaboliques ébats »ou encore « point ne te désole ainsi », « point ne te trahirons ».
Quelques passages faisant allusion à l’histoire contemporaine, je tremblais devant les caricatures des envahisseurs, ces méchants soldats du nord, effrayants de cruauté, qui rappelaient les SS. Malheureusement, le fervent collectionneur que j’étais, n’allait pas tarder à vivre un terrible chagrin. En prévision de l’arrivée imminente chez nous d’un correspondant allemand de mon frère, notre père m’a fait détruire mon trésor. Sans doute encore traumatisé par la Gestapo, il craignait, sept ou huit ans après la fin de la guerre, de laisser des traces qui pussent lui nuire ou heurter la susceptibilité du jeune homme.
Soixante ans après, je pense encore aux personnages hauts en couleur de cette aventure héroïque. Je revois un épisode qui m’a particulièrement influencé plus tard dans mes goûts ou mes centres d’intérêt. C’est un immense paysage de neige, sans doute inspiré du retour des chasseurs, un tableau de Breughel. Une ou deux mares gelées sur lesquelles glissent les enfants. Au loin, un groupe de paysans rentrent de la chasse. Des corbeaux virevoltent au-dessus de femmes qui portent le linge dans des baquets en bois.
Le Barlafré était un puits de culture qui sensibilisait les jeunes lecteurs à l’Histoire, à la bonne vieille langue française, et qui les préparait à aimer la vie.
JAC, le 18 octobre 2012
Bonjour ,
moi aussi j'ai bénéficié de ce feuilleton dans l'Huma , et je crois que ça a participé à forger , outre ma conscience de classe (!) mon amour des mots ;
je viens de donner mon exemplaire , relié , à mes petits enfants !
Heureuse de partager ces souvenirs
Rédigé par : G Houtin | 06/05/2014 à 15:05
Bonjour ,
moi aussi j'ai bénéficié de ce feuilleton dans l'Huma , et je crois que ça a participé à forgé , outre ma conscience de classe (!) mon amour des mots ;
je viens de donner mon exemplaire , relié , à mes petits enfants !
Heureuse de partager ces souvenirs
Rédigé par : G Houtin | 06/05/2014 à 15:03
Chère Jacqueline
Je viens de lire le message de JCP concernant la semaine que ns avions passée ensemble
Les larmes coulent la seule saloperie qu'il ait faite dans sa vie c'est de nous quitter
C'etait mon Ami
Christian
Rédigé par : Christian Mercier | 31/12/2012 à 10:58
Il est vraiment dommage que cette bande dessinée ne soit pas plus connue.Je découvre complétement ces jolis dessins, et du CHABROL
il a du être un peu écarté?
Tu faisais de jolis dessins de cavaliers que
j'admirais...
Souvenirs
Quiquine .
Rédigé par : PAULUS PETIT JACQUELINE | 21/10/2012 à 15:48