Je cherche pour un enfant de notre entourage un psychiatre que l'on m'a conseillé. Mais comme je ne suis pas sûr de son adresse et que son nom reste approximatif, je tourne un peu au hasard dans le quartier en consultant les plaques de tous les professionnels de santé. De temps en temps je demande aux passants. Sans résultat.
Sur le point d'abandonner la recherche, je trouve enfin la bonne enseigne. Le temps de relever les coordonnées du médecin, de sonner au portail et voilà un homme qui apparaît en s'essuyant les mains avec un torchon. Il porte autour d'un ventre proéminent, qui de toute évidence apprécie la bonne chair, un tablier de cuisine maculé de taches de sang et de sauce d'un joli jaune orangé.
Non, il ne traite pas les pathologies enfantines et me donne aussitôt les références de confrères spécialisés dans le domaine.
Puis, après l'avoir remercié, je lui demande par politesse ce qu'il est en train de faire cuire, car par la porte entrebâillée, je perçois la douce palette d'effluves émanant d'un plat qui mijote.
-Un lapin, me répond-il avec enthousiasme.
-Je m'en doutais !
-Je vous ferais bien goûter, mais il manque encore un peu de cuisson...
-Moi, j'aime le lapin forestier, dis-je, champignons et petites pommes de terre...Voyez-vous, je ne vous en voudrais pas si vous m'en posiez un.
-Poser quoi ?
-Si vous me posiez un lapin...
Et nous voilà partis à rire. Chacun voulant avoir le dernier mot sur le thème. Toutes les plaisanteries s'égrainent de bon coeur. Depuis « ça ne vaut pas un pet de lapin » jusqu'au « bec de lièvre », en passant par « un chaud lapin ».
Pour prolonger le plaisir du contact, j'en viens à oser l'impossible face à un médecin de l'âme :
-Ce n'est pas un lapin que je vous pose, mais une dernière question me tarabuste. Vous la mettez à quel moment, la moutarde ? En fin de cuisson ? Vous badigeonnez avec un pinceau ?
Ainsi va la vie : on entre parfois chez un psychiatre et on en ressort avec une précieuse recette de cuisine.
Au fond, n'est-ce pas un peu ce que nous venons chercher chez lui, pour tenter de dénouer les noeuds qui nous obsèdent, apaiser les tempêtes qui nous tourmentent ou tout simplement retrouver courage, dignité et joie de vivre en offrant des mets de qualité aux amis qui partagent nos tables ?
JAC, le 15 octobre 2014
Mon royaume pour un bon plat de lapin !
Rédigé par : phil' | 16/10/2014 à 13:19