14 janvier 2006, Ankober , Ethiopie,
Les maisons circulaires font place peu à peu à des bâtisses plus
volumineuses , rectangulaires, construites en pierres, montées d’un toit de
chaume. La campagne est jaune paille et, quand les terres sont labourées, brun
foncé.
Les petits villages qui se blottissent derrière un muret d’enceinte,
sont ravissants.
Le marché de Debre Birhan ce matin, était spectaculaire : unité des
costumes des femmes oromo qui portent une longue robe écrue et une écharpe de
couleur disposée en turban. Mais la lumière était tellement faible qu’il était
inutile d’y mettre un pied , encore moins un œilleton d’appareil photo .
La
piste d’Ankober est vertigineuse. Elle traverse des forêts d’eucalyptus
et des villages de pierres. Les troupeaux d’ânes sont la gaieté de la région .
On les voit partout, sur les collines, sur la route, autour des puits .
L’altitude
est telle qu’une fois de plus, je ne peux me rendre au marché (battements de cœur,
vertiges ). Beaucoup de nuages gris, quelques rapides éclaircies.
Un
quiproquo de plus sur le choix de l’hôtel. Celui, préconisé par le chauffeur,
est en fait situé tout en haut d’une colline. Il faut une heure de marche avec
nombreuses haltes pour transporter les bagages et ses 70 kg de paresse. Je
souffre, je peste, je souffle, je fais des pauses. Me voilà âne, mulet fourbu,
cheval rétif, et la risée des porteurs.
La
ville se tient en équilibre sur une arête des hauts plateaux. Ancienne capitale
des rois de Choa, elle sent désormais la vache, l’urine et la paille. Les
habitants sont souriants et les enfants discrets. Ce qui est rarissime dans le
pays.
Mais Dieu que c’est haut !
Tant de pertes de calories pour parvenir, éreinté,
au restaurant !
( Délicieux hôtel sans nom, perché en haut d'une colline où j'étais le seul et unique client depuis...un mois)
Journée mitigée mais satisfaisante grâce aux photos de villages empierrés
ce matin, dans une percée de lumière et la vision de ces immenses troupeaux sur
fond miel des cultures.
La
soirée se passe devant le feu réservé habituellement pour la cérémonie du café,
dans cette immense salle de bois, à la charpente savamment ordonnée de poutres énormes.
L’herbe
sèche est éparpillée sur le plancher. La dame en blanc surveille les braises,
parle, renseigne, entretient la flambée et la conversation. Odeurs de café
fort, de friture, de paille desséchée, de bois, de poteries anciennes.
Il
fait froid. Il ne se passe rien. C’est-à-dire tout.
L’ennui, immensément tragique, émouvant et
beau de la vie sur les hauts plateaux à plus de 3000mètres d’altitude.
La
chaleur de ce lieu désert, vient , bien sûr, du feu que l’on entretient de
temps en temps, mais surtout de la dame blanche, Marie de Bethlehem,
postée devant les flammes et qui évoque avec des gestes amples et contrôlés,
les églises de la région, les difficultés de l’agriculture, les sentiers de
contrebande jusqu’à Awash.
La
nuit au bord du précipice qui plonge vers le rift, la lumière de la Lune est
tellement forte qu’on y voit presque comme en plein jour : le versant d’en face
est éclairé et on distingue même les villages.
Les coassements des grenouilles se répercutent et rebondissent.
Un chien aboie et détone dans ce concert
mystérieux.
Nous avons bu dans la maison circulaire, du
café corsé dans les vapeurs d’encens et de grains fraîchement grillés.
La
dame blanche raconte, explique que toutes les habitations se ressemblent. La
nuit, les invités se répartissent sur le cercle, assis sur des peaux de chèvres.
Ils chantent, rient, récitent des poèmes.
Au
milieu, un feu, des pots autour, la maîtresse de maison distribue lentement les
tasses. Toujours trois.
Les bêtes sont présentes, invitées au partage. Elles tiennent chaud. Les
uns serrés contre les autres par ces altitudes, on passe le temps. Les yeux fixés
sur les braises, on tient la tasse sans se soucier qu’elle est brûlante.
Quelques femmes filent la laine avec une
quenouille. L’une d’elles écrase les grains de café avec un pilon. On parle. On
se rassure. On chante. Le café s’écoule et le temps aussi.
(Paysage près d'Ankober)
(Sourires timides des Hauts Plateaux éthiopiens)
JAC, le 2 mai 2009
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