(Il y aura 6 ans le 29 octobre, mon frère)
La forêt d'Eawy était à deux pas de chez nous. Mon grand frère Jean-Claude m'y emmenait souvent pour tenter d'y surprendre des biches, construire des cabanes ou graver bêtement nos initiales avec un couteau sur des troncs d'arbres.
Je me souviens. Je dois avoir trois ou quatre ans. Il fait froid. Le brouillard qui pèse sur les sapins et les sentiers fait notre affaire : ce temps-là est idéal pour jouer à cache-cache ou aux Indiens.
Le Sioux et le cow boy se séparent. Peu importe de savoir qui est l'un ou l'autre. Les rôles changent tellement souvent au fil des imprévus. L'essentiel est de bien baisser la tête en se faufilant dans les fougères, puis de ne plus bouger pour ne pas éveiller les soupçons de l'ennemi.
Au bout d'une heure de parties, les combattants font une pause. Mon aîné sort de sa poche une tablette de chocolat chipée dans le buffet du salon. Alors assis sur un tapis de mousse nous reprenons des forces en fermant les yeux pour ne rien perdre de la texture moelleuse de chaque carré. Il est si bon en même temps de se laisser griser par les parfums de champignons et de branches humides.
Jean-Claude remue des feuilles mortes, soulève une pierre. Que cherche-t-il là-dessous à vrai dire ? Je le vois poser la main sur un étrange bâton, une tige bizarrement enroulée, couverte d'écailles brunâtres. L'extrémité fait penser à un museau retroussé. Aussitôt il pousse un hurlement de terreur.
-Là ! Là ! La vipère ! Vite !
Maintenant nous courons comme des fous sur le chemin du retour. Ce n'est plus le sentier de la guerre, mais de l'exode précipité.
Il faudra patienter encore quelques années pour mériter de s'appeler Cochise, Geronimo ou Oeil-de-Serpent.
JAC, le 26 octobre 2014
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