Popote & Papote

ANNIVERSAIRE A BEYROUTH

 

     

J’ai passé toute une journée sur mon nuage.

La musique de Fairuz, la famille, les amis. Des heures à rêver sur ma terrasse. Parfois une douce brise m’aidait à suivre une conversation, à retourner un compliment, à m’extasier devant une photo. Petites brochettes de légumes grillés. Makis au feta. Kebbés de toujours. Au diable les régimes.

    
Un anniversaire, ça se respire, comme la première bouffée d’oxygène à la naissance. Ce doit être si douloureux. Et si bon. Chaque année, le même jour ... on cherche encore le parfum de ces premiers instants. Respirer la vie.
33 ans ! L’âge du Christ, me dit-on. N’y a-t-il pas commentaire plus optimiste ? 
Espoir. Le mot « espoir » est très important dans ma vie. Espérer le meilleur. Espérer une plus belle journée. Espérer la santé. Le beau. Le parfait. Toujours espérer.
Mon gâteau est arrivé. J’ai failli suffoquer. Plus d’oxygène. Puis j’ai senti le souffle léger de mes enfants. Ils venaient me prêter main-forte pour éteindre les bougies.  Ils m’apportent l’oxygène nécessaire à la beauté de mes jours.
Mes enfants ! Ils sont la raison de respirer, la raison de s’unir, la raison d’espérer, la raison d’aimer, de partager et de confronter.
Mettre à vie un souffle. Le plus joli cadeau de la terre.
Le souffle des bougies d’anniversaire.

       

Joumana Nader
Premier signe de vie, le 12 juin 1978. Il était 17 h à Beyrouth.

 

UNE LIBANAISE A SRI LANKA

 

5 mai 2011, Beyrouth, Liban

 

Je ne sais par où commencer. Rentrée il y a bientôt dix jours, j’ai toutes les peines du monde à mettre mon voyage en « mots ». Peur de le rendre réel ?  De décrire maladroitement ce que j'ai vu, touché, senti ?

 

Sri Lanka. Aucun pays ne porte une aussi belle « garde robe ». Des couleurs et des couleurs ! Des tuk tuk, des bus bariolés, des mosquées vertes, des temples roses, des églises ocre. Sienna endormie sur mon bras, Matteo chagriné par les distances. Comment voir ce pays avec deux enfants allongés sur mon bras gauche et ma caméra dans la main droite?  

Route de Galle.

Agréablement surprise par la propreté de la chaussée, pour un pays du Tiers Monde. Les routes du Liban sont de loin plus sales et délaissées.

J’ai le coup de foudre pour les tuk tuk. Un rouge vif, monsieur devant et les quatre enfants derrière, un jaune avec un jeune couple, un bleu portant une famille de dix! Chiens partout dans les rues, sur les trottoirs, balais à vendre par ci, bois coupé par là. A travers la vitre de mon bus passe une fête d’objets polychromes. On a jeté des pots de peinture sur les murs des maisons et des magasins. Foule délicieusement bigarrée. Marchandises chatoyantes au soleil.

Je regarde l’océan. J'imagine l’apparition du tsunami. J’ai hâte de sentir la mer et de poser mes pieds sur le sable, de rencontrer dieu sait quoi et qui?

Galle.

The Fortress. La première impression n’est pas favorable : un hôtel qui sent les vacances et le flot des touristes...Nous sommes pourtant reçus comme des rois. Serviettes parfumées. Sourires. Douceur des regards. Ma fille court immédiatement vers la piscine. Pour une fois, elle se déshabille seule. Mon fils me harcelle  continuellement pour enfiler son maillot. Comme ils sont impatients ! Les conseils d’une mère sensible au paysage sont inutiles aujourd’hui. Malgré tout, j’insiste : 

       -Patience ! Regarde autour de toi, ce n’est pas superbe? Ecoute les vagues. Vois les écureuils, les oiseaux ... Ton maillot, tu l’auras quand les valises seront dans la chambre.   

Galle. Ville entourée de remparts. Beaucoup d’églises baroques, blanches et crème. La bibliothèque. La prison, le port, les pierres, barefoot, le musée.

      

Amangala, ex New Oriental Hotel, une superbe bâtisse coloniale, autrefois résidence hollandaise. Le matin je me réveille à l’appel des écureuils. Ils sont, là, partout devant la chambre. Sur la plage je rencontré des vieillards. Des femmes vendent des bateaux, des coquillages, des t-shirts. Des gens d’une gentillesse extrême. Je regarde Sienna s'acharner sur les corbeaux en train de boire l’eau de la piscine. Ca ne lui plait pas. A chaque minute elle court derrière les oiseaux pour les chasser. C’est peut-être pour cette raison qu’elle a été malade toute la nuit. Mais, aujourd’hui, elle est  toute fraiche, prête pour une nouvelle attaque d’écureuils.

Deux jours d’immobilité, contraire à mon tempérament. Alors, je demande un taxi pour me rendre dans la ville ancienne et dans une autre dont le nom se rapproche vaguement de…Talala. Petite marche au hasard des ruelles en compagnie du vent et de la pluie. Paix intérieure inexpliquée. Visages innocents, regards doux et  naïf des femmes. Une façon élégante de parler à une voisine. Sri Lanka est peuplé de cœurs purs.

La ville ancienne.

Une chaleur horrible. Sienna dans la poussette. Tous à la découverte des quartiers historiques. Le phare, les petites ruelles. Ici le tsunami a causé d’effroyables dégâts. Les gens nous regardent et sourient à notre passage. Nous croisons des marchands de pierres. Une superbe église, très ancienne, près de l’hôtel Amangala. La chaleur devient insupportable. Les enfants n’en peuvent plus. Une vache sur un trottoir, des policiers sur l’autre. Pas un n’est à sa place… 

    



Unawatuna.

Les cocotiers touchent le ciel. La mer furieuse tout le jour. Mes enfants nagent et s’amusent avec leur père.

Le sable blanc, le ciel bleu, les palmiers verts.

Je reste là des heures à suivre sur la plage le lent défilé des femmes en sari rose et rouge.

J’hume le bonheur à Sri Lanka.

      

                         Joumana , le 10 mai 2011